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Critique de gerardmuller


Lorsque j'étais une oeuvre d'art/Eric Emmanuel Schmitt
Il y a une quinzaine d'années, j'avais été enthousiasmé à la lecture de ce livre qui venait de paraître. Sa relecture aujourd'hui me confirme dans l'idée que EE Schmitt est un des meilleurs écrivains de notre époque. Son art du dialogue est inégalé et son sens de l'humour dans les pires situations fait partie du charme de bon nombre de se oeuvres. Il sait allier le tragique et le comique avec sérieux pour notre plus grand plaisir.
Le thème de cette fiction est très intéressant car être admiré de tous est un vieux rêve que chacun porte en soi.
le dernier des frères Firelli, Tazio le narrateur, est en pleine dépression : il a 20 ans mais le suicide lui paraît l'évidence. Mais rien ne va se passer comme il a prévu…quand survient à l'ultime seconde le sieur Lama, un artiste excentrique qui se prend pour un génie :
« Je suis un génie. Je n'en serais pas un si je l'ignorais, d'ailleurs. Je me suis fait connaître à l'âge de 15 ans par mes peintures sur savon noir. À 20 ans je sculptais la paille. À 22 j'ai colorié le Danube. À 25, j'ai emballé la statue de la Liberté dans du papier tue-mouches… »
Et Lama va proposer à notre candidat au suicide une alternative originale. Il lui offre une vie annoncée comme facile contre sa liberté : devenir une oeuvre d'art moyennant quelques retouches.
Satire des temps modernes où la chirurgie esthétique est devenue une alternative pour accéder au plaisir d'être admiré ? L'art a-t-il des limites dans son expression ? La superficialité et l'apparence sont-elles seulement un effet de mode ? Quel serait le statut juridique d'une oeuvre d'art vivante ? Que vaut la célébrité face à la vie et la liberté ? Autant de questions que l'auteur nous conduit à nous poser.
Toujours est-il que ce livre nous incite sainement à tenter de voir au delà des apparences.
Et puis l'amour comme toujours peut sauver la mise.
Une histoire originale qu'il faut appréhender au second degré.
Extrait du discours de Zeus Lama à Tazio alias Adam Bis :
« Mon jeune ami, chacun de nous a trois existences. Une existence de chose : nous sommes un corps. Une existence d'esprit : nous sommes une conscience. Et une existence de discours : nous sommes ce dont les autres parlent. La première existence, celle du corps, ne nous doit rien, nous ne choisissons ni d'être petit ou bossu, ni de grandir ni de vieillir, pas plus que de naître que de mourir. La deuxième existence, celle de la conscience se montre très décevante à son tour : nous ne pouvons prendre conscience que de ce qui est, de ce que nous sommes, autant dire que la conscience n'est qu'un pinceau gluant docile qui colle à la réalité. Seule la troisième existence nous permet d'intervenir dans notre destin : elle nous offre un théâtre, une scène, un public… »
Pour moi, ce livre est avant tout une critique de notre époque où l'apparence est ce qui importe pour nombre de gens, avec comme corollaire « l'achat de biens et de services qui changent ou améliorent notre apparence – vêtements, régimes, coiffures, accessoires, voitures, produits de beauté, produits de santé, produit de standing, voyages au soleil, opérations chirurgicales. »
La conclusion revient à Hannibal le peintre aveugle, qui lors du procès déclare :
« L'art est fait pour l'homme, par l'homme, mais l'art n'est certainement pas un homme. »
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