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Critique de HordeDuContrevent


Je tiens à remercier avant tout Alain Schmoll (@Archie ici sur Babelio) de m'avoir fait confiance en m'offrant son livre, d'avoir osé me l'envoyer, n'étant pas du tout attirée par les intrigues policières à priori comme le montre ma page…quelques lectures récentes commencent cependant à me faire changer d'avis sur ce genre que j'avais tendance à négliger, le livre d'Alain Schmoll en fait partie. J'ai dévoré ce livre, lu d'une traite en cette journée froide et grise. le plaisir de lecture a été réel tant ce polar est captivant tout en étant crédible, l'auteur s'inspirant librement d'un fait divers récent incroyable mettant en cause la bien connue DGSE.

Je dois avouer quand même être partie avec un mauvais a priori : la couverture n'est pas de celle que j'affectionne, c'est peut-être même une couverture qui pourrait, dans une librairie, me faire fuir tant les photos choisies laissent entrevoir davantage un roman à l'eau de rose qu'une intrigue rondement menée. Ensuite quelques personnages masculins m'ont semblé être décrits au départ – je pense à Sylvain notamment - de façon légèrement caricaturale, l'auteur voulant insister sur leur côté m'as-tu-vu, arrogant, parvenu. J'ai trouvé que cela manquait de nuances et m'attendais ainsi au pire pour le reste de l'histoire …Quelle a été ma surprise en étant peu à peu complètement happée par l'intrigue. Avec le recul, cette façon d'estampiller nettement les personnages est, je pense, une façon de guider le lecteur, les personnages étant nombreux.

Les premières pages m'ont fait penser irrésistiblement à l'ambiance ténébreuse des films d'Olivier Marchal. Deux individus font le guet dans une vieille Land Rover des heures durant en pleine nuit, promiscuité envahie peu à peu par les odeurs rances de sueur, de bières et d'haleine chargée. L'un est un soldat de la DGSE, Jean-Marc Démesseau, alias Tiburce, qui chapeaute le jeune et inexpérimenté Jamil Benkha, ravi d'avoir été recruté pour cette mission ultra confidentielle consistant à éliminer un agent du Mossad, le mythique service secret israélien, qui prépare un attentat sur le sol français, un certain Nathan Kaplan. Ils sont postés devant sa demeure dans un quartier chic de banlieue parisienne et ont pour objectif de l'écraser lorsque ce dernier sortira faire sa balade journalière en vélo le matin très tôt. Mission qui permettra assurément au jeune homme d'avoir enfin un avenir professionnel, de le sortir de sa cité et de servir la France. L'attente est longue durant cette nuit printanière pourtant très froide, les bouteilles vides servent d'urinoirs, et les conversations entre ces deux hommes cagoulées sont rares.

« Pour l'instant, on n'entendait plus que les froissements d'emballages et les mastications de Tiburce, aux prises avec les friandises censées leur tenir lieu de petit-déjeuner. Des effluves de café et de chocolat parvenaient aux narines de Jamil, sans toutefois prendre le pas sur des odeurs corporelles tenaces et obsédantes. Pour essayer de les oublier, Jamil continuait à scruter l'obscurité, qui restait épaisse sous les arbres ».

L'attente oppressante jusqu'au sort funeste permet à l'auteur de dévoiler peu à peu les facettes complexes de cette histoire par des allers-retours dans le passé, parfois même des allers-retours au sein d'une journée, de présenter les différents protagonistes en présence. Les questions émergent : Est-ce vraiment la raison pour laquelle on veut se débarrasser de Nathan Kaplan ? Qui est vraiment le commanditaire de cette opération ? Nathan Kaplan mène-t-il une double vie, celle d'un puissant homme d'affaires et celle d'un agent du Mossad, espion sur le sol français ? Si oui comment ? La DGSE est-elle impliquée et si oui jusqu'à quel degré ? L'instruction pénale de cette affaire serait toujours en cours, je suis personnellement passée complètement à côté de ce fait divers.

Habituellement très bavarde dans mes retours, j'ai conscience que développer davantage quoi que ce soit sur l'intrigue gâcherait totalement le plaisir de lecture, je n'en dirais donc pas plus sur l'histoire. Je dois avouer qu'Alain Schmoll a le don pour mener son lecteur par le bout du nez, au trois quart du livre je me suis demandée si je n'avais pas loupé quelque chose, avant de retomber rapidement sur mes pattes…en tout cas les pièces du puzzle s'imbriquent avec virtuosité, les liens entre les personnages se font jour peu à peu. La fin ne manque pas de nous étonner. D'excellents ingrédients réunis qui rendent le récit addictif !

J'ai trouvé très intéressante l'analyse du fonctionnement des entreprises avec d'un côté l'entreprise familiale dont la réussite dépend beaucoup du charisme et de la motivation de son dirigeant et de l'autre l'entreprise au capital détenu par des fonds d'investissement sans état d'âme sur le devenir de l'entreprise avec pour seule règle la rentabilité financière. La première, sur un même marché international, fait rarement le poids face à la seconde.
Passionnante également la mise en valeur de l'impact des perturbations géopolitiques sur l'activité des entreprises, et sur l'immobilier notamment, ces perturbations pouvant être tour à tour des opportunités ou des menaces.
Troublante cet entrelacement d'ambition politique, de stratégies industrielles et de rackets mafieux qui ne font pas partie de mon univers de lecture, j'en ai été d'autant plus sensible.
Précise et instructive enfin cette façon qu'a Alain Schmoll de nous expliquer le fonctionnement de la DGSE, ses protocoles et ses différents grades militaires, ce qui peut sembler flou aux néophytes.

Soulignons que le récit comporte en son coeur une histoire d'amour qui constitue à la fois une vraie respiration à ce récit musclé et viril…mais aussi et surtout une trame essentielle.


« La trahison de Nathan Kaplan » est en conclusion un polar captivant qui s'inspire d'un fait divers mêlant la DGSE à une histoire particulièrement louche et trouble qui en dit long sur les zones d'ombres et les travers des hommes. Il met en valeur les bas instincts de la société avide de pouvoir et de réussite matérielle et ostentatoire, de reconnaissance et d'élévation sociale, dans laquelle la concurrence acharnée conduit à des frustrations et des déceptions, à des honneurs bafoués et des hontes, des trahisons, tant professionnelles que sentimentales, qui se règlent avec violence et bassesse, de façon expéditive.

Je suis ravie que le hasard ait mis ce livre sur mon chemin qui me fait reconsidérer les polars…à moins que le hasard, ce soit Alain Schmoll se baladant incognito sur Babélio. Encore merci à lui !
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