C’est terrible les mots. Ça pénètre et ça demeure, ça creuse et ça s’incruste. Ça fait mal au cœur, à l’âme.
On vivait avec nos rêves voilés. On était ligotés par le conformisme. On était épiés. Toujours dans le semblant, dans un temps sans mesure sinon la tradition.
Quand on s'aime vraiment, on devrait être heureux, vivre libres, sans obstacles. On devrait se séparer de ceux qui s'opposent et aussi de ceux qu'on n'aime plus, simplement.
J’ai chaussé mes bottes magiques et sur la route bordée de platanes, je cours, je cours loin de toi, mère. Je suis le fleuve et le vent, l’orage et les nuages et mille chevaux blancs. Je suis le cristal et la pierre, l’eau et le feu, je suis la Vie sans passé ni présent ni avenir…
Elle découvrait la douleur d’être femme, malgré soi, forcée. Elle criait au loin sa rage, sa déréliction. Elle criait sa honte intense, le désordre de son corps défait et la colère sculptait son adolescence. En sa voix, l’insoutenable, le poids du non-dit. En sa voix l’étrange, le lointain, le décalé, l’éveil lent de l’arbre, le vent trop présent, l’ancrage raté, la déchirure.
On s’étourdissait de mots anodins pour contenir le surgissement de l’intime. Pour écraser les fleurs noires des mauvaises pensées. Certains trouvaient refuge dans le superficiel, dans la débauche, dans l’alcool, l’errance ou dans la berceuse des mots.
On vivait surtout en apparence, en surface. On parlait beaucoup pour taire l’essentiel. On parlait pour resserrer les bâillons, pour aveugler l’autre.
Le monde est gris, sera gris désormais pour elle. Elle vient de quitter une enfance presque lumineuse pour l'ombre où elle devra se terrer avant de reprendre des forces. Elle a compris le geste bestial de la main fureteuse, elle a compris le désir qu'il a eu de toucher, de violer ses parties intimes. Elle a honte.
On a toujours peur de ce que l'on ne comprend pas bien.
Il faut donc non seulement courir après le temps, mais aussi essayer de se glisser dans son âge… Toutes ces choses à apprendre !