Citations sur Et mon luth constellé (19)
- La poésie, ça sert à faire passer la peine.
Alors, j'ai proposé à Josette d'emporter son repas. Ces restes qui n'en sont pas, qui ne l'ont jamais été. La part soigneusement mise de côté au contraire et que Josette dépose dans la cuisine chaque jour. Passant par la porte arrière, sans déranger le vieux Georges resté dans sa librairie. Convaincue, avec cette certitude des vieilles qui ne sont presque pas allées à l'école, qu'à force de lire, il en oubliera de manger.
Et si je croisais Alexia aujourd'hui, je lui dirais que non, je ne suis pas devenue petite-prof-de-province. Élève plutôt de mes petits, grands professeurs de poésie.
Écoute-moi bien, a continué Iris. Si un jour tu as un malheur d'amour, ça arrive, tu sais, à tout le monde un jour, tu pleures tu pleures, mais tu ne te laisses pas aller. OK ?
Elle haussa les épaules.
– L’amour ça ne se décide pas.
L’amour, non. Ce qu’on en fait, je veux croire que si. Je veux le croire, mais je n’en suis pas sûre.
On n’a jamais su exactement comment les choses s’étaient passées dans la librairie. Ils l’ont raconté parfois, jamais de la même manière. Car le vieux Georges aimait les mythes et Iris les mystères.
Iris.
Je n'arrive pas à l'imaginer morte.
Tombée du ciel comme un grand oiseau blanc. Striant la nuit. Avalée par la mer.
Boule de feu peut-être, étoile filante ou météore. Et alors seulement cela devient possible. Aigu jusqu'à l'évidence, malgré tout ce qui à l'intérieur résiste de peine et d'incrédulité, de révolte et de scandale. Iris s'en est allée aussi soudainement, aussi brutalement, qu'elle était arrivée.
Et nous avait, une fois déjà, quittés.
Me souvenant d'Iris affirmant que si les romans, peut-être, avaient inventé la passion, le bonheur, lui, n'était jamais dedans. Que le bonheur n'avait pas d'histoire, ni besoin de sirènes pour exister.
Ils ne divorceront jamais, ces deux-là, a dit Marie, experte improvisée. Ils sont parfaitement accordés, comme l'archet et le violon.
Peu m'importe, j'invente ma géographie. Je me dessine une île et je m'y réfugie. Le monde est fou là-bas, grouillant mouvant, il bouge et tangue. A brasser de l'écume. Ici il se pose, c'est à cause des montagnes. Et moi, incrustée de la roche ou sertie pour deux mois. Résistante ou rebelle.