Très étonné d'avoir été sélectionné pour ce livre lors de la masse critique graphique. Je ne lis pas de philosophie et j'écris peu de critiques pour commencer. Ma copine m'a fait remarquer que mes critiques, quand elles ne sont pas sur des livres pour la jeunesse, sont sur des essais, de la science-fiction, de la bande dessinée et sur
Roland Barthes, en m'expliquant que
Benoît Peeters avait été l'élève de
Roland Barthes. J'ai des gros doutes sur le fait que
Roland Barthes soit intégré à l'algorithme de Babelio pour les masses critiques graphiques, mais quelle qu'en soit la raison, je suis ravi d'avoir pu recevoir
Mondes imparfaits.
Benoît Peeters et
François Schuiten ont longtemps été pour moi les seuls auteurs originaux de la BD franco-belge, et ce sont eux qui m'ont donné envie de lire ce catalogue d'exposition.
L'exposition a eu lieu à la Maison d'Ailleurs d'Yvernon-les-Bains en Suisse, mais le catalogue ne ressemble pas à ce que je j'ai pu voir d'autre. le livre est en deux parties et comporte seulement deux essais suivis d'un entretien avec
Benoît Peeters et
François Schuiten. L'exposition de ce "musée de la science-fiction, de l'utopie et des voyages extraordinaires" tournait en effet autour des Cités obscures, tout en explorant les rapports entre cette série et les notions d'utopie et de dystopie et en présentant aussi les oeuvres de trois artistes suisses, des dispositifs technologiques et une petite partie de la collection du musée.
Première partie : les deux très bons essais de
François Rosset et
Marc Atallah concernent l'utopie et la dystopie. Ce sont à la fois des résumés très clairs et très accessibles de l'histoire de ces deux notions philosophiques et des théories sur la nature de ces notions. le premier appuie sur le fait que les utopies littéraires ont d'abord été géographiques, souvent représentées par des îles, et qu'on les présentait comme des lieux réels. On nous explique que pas à pas, ces lieux imaginaires sont devenus des époques imaginaires : le lien avec l'anticipation et la science-fiction est fait.
François Rosset conclut avec une réflexion sur la parenté entre utopie et dystopie, l'utopie étant une dystopie potentielle.
Marc Atallah, lui, insiste sur la narration dans les dystopies. Pour lui, la dystopie est une utopie vue de l'intérieur, vécue par des individus et non observée par des voyageurs, comme les îles utopiques. La dystopie serait donc la faille de l'utopie révélée. Alors que je ne lis pas de philosophie et que je ne m'y connais pas en utopies, j'ai trouvé que tout était limpide dans les explications de
François Rosset et
Marc Atallah, et qu'ils donnaient à réfléchir. C'est une très bonne introduction à ces deux thématiques complètement liées.
Deuxième partie : l'entretien avec
François Schuiten et
Benoît Peeters qui suit est très complémentaire des essais. Je redoutais d'être un peu perdu, car si j'ai lu beaucoup de tomes des Cités obscures, je ne m'en souviens pas forcément très bien, exception faites de L'archiviste et du Guide des cités. Je me suis rendu compte qu'en fait, même en n'ayant pas lu du tout la série, on peut très bien suivre les réflexions de
Marc Atallah, qui mène l'entretien, et des deux auteurs des Cités obscures. Un résumé de chaque tome de la série est présent, ce qui facilite la lecture, et
François Schuiten et
Benoît Peeters expliquent eux aussi très bien leur façon de travailler, ce qu'ils ont voulu raconter avec les Cités obscures et leurs rapports à l'utopie et à la dystopie. Cet entretien permet même d'aborder cette série de façon moins naïve qu'on ne le ferait peut-être dans un premier temps, car il éclaire certains points qu'on ne verrait pas forcément avec une seule lecture.
Et le travail iconographique est excellent : on trouve beaucoup de cartes géographiques pour le premier essai, des belles couvertures de pulps, des dessins inédits de
François Schuiten. Tout est réuni pour faire de ce livre mieux qu'un catalogue d'exposition : un guide de référence sur l'utopie et la dystopie, ainsi qu'une réflexion intéressante sur les Cités obscures, qui donne très envie de relire la série !
Merci aussi aux Impressions nouvelles et
Benoît Peeters pour avoir envoyé le livre en colissimo, ce qui m'a permis de le recevoir sans aucun problème.