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Critique de michfred


Un recueil de contes hallucinés? Un évangile de l'oubli et de l'instant ? Un très long poème? Un très court roman?

Une Monade de Monelle ou un cortège de Ménades?

Le livre de Monelle est un OVNI: Objet Volage Niant l'Identité.

Très peu de traces de son appartenance au symbolisme: quelques miroirs, quelques pierres rares, quelques mortes pâles et exténuées, mais jamais ce "vocabulaire" ne s'organise en message appuyé comme chez Maeterlinck, Tailhade ou Rodenbach.

Les signes de Marcel Schwob, littéralement, déroutent: ils nous emmènent sur des chemins de traverse.

On pense, d'abord , à un Évangile: mais celle qui le professe est une petite prostituée, presque une enfant. Et ses aphorismes prônent une vie dans le jeu, dans l'instant, dans l'oubli immédiat de toute chose, de tout lien, de toute loi, et dans le refus obstiné de toute œuvre, de tout travail.

Une fuite pour la fuite, un appel vers le vide, la blancheur. La blancheur, pas la candeur, car l'innocence ne semble pas être le fait de ses disciples- ces "sœurs de Monelle" que l'on croise dans la seconde partie.

Les sœurs de Monelle pourraient être les Douze filles de la Reine Mab qui ne seraient que Onze...Drôles de sœurs, toutes un peu sorcières, un peu folles, un peu méchantes, un peu fugueuses, un peu écorchées par la vie qui tente vainement d'imprimer sa marque sur leurs rêves- des rétives, des obstinées, des rebelles..Le livre devient un recueil de contes, poétiques, macabres, fantastiques et tristement allègres.

Inimitable Marcel Schwob qui invente le conte perfide pour grands enfants malades...comme il vient d'inventer l'évangile immoral du désir et du rêve.

La dernière et troisième partie est encore plus étrange: Monelle vend des lampes fragiles aux petits enfants qui acceptent de la suivre dans la grande nuit humide. Elle va mourir, elle est morte, elle apparaît, elle disparaît.
Un enfant - ou est-ce le narrateur? le récit est d'abord à la troisième personne puis, il passe à la première - fidèlement , la suit. D'ailleurs est-ce Monelle ou est-ce Louvette, une de ses créatures, qu'il suit ainsi pour apprendre l'ignorance et l'illusion? Comme dans un cauchemar, les personnages s'effacent et se passent le relais sans que le lecteur y prenne garde..

Vaste quête: "Pour nous, tout désir est nouveau et nous ne désirons que le moment menteur; tout souvenir est vrai, et nous avons renoncé à connaître la vérité. et nous regardons le travail comme funeste, puisqu'il arrête notre vie et la rend semblable à elle-même."

Mais cette quête étourdissante de Monelle est vouée à l'échec, comme Monelle elle-même l'est à la solitude : tout oubli est impossible, toute vie appelle une trace à laisser, un ouvrage à faire et toute âme a besoin de savoir la vérité.

Le Narrateur et Louvette préfèrent aimer et souffrir. Brusquement, sans la moindre explication, ils renoncent.

Fuyant le rêve immaculé, où s'engouffre Monelle suivie de quelques rares enfants blancs, avalés par le vide.

Un livre unique, saisissant, magique...et vaguement vénéneux.
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