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Critique de Aquilon62


A l'instar du premier tome deux raisons m'ont poussé à relire ce second tome
- La sortie du troisième tome en Italie, et
- L'actualité transalpine récente,

j'ai voulu le relire mais cette fois dans la langue de Dante, ce qui modifie quelque peu la critique

Dans le premier volume, l'auteur a parlé de la violence et de la force révolutionnaire du fascisme, dans ce second opus il parle des années du régime et de la dictature, mettant sur papier la tragédie d'une nation qui sacrifie l'individu sur l'autel de la Patrie.

« Tout dans l'État, rien en dehors de l'Etat, rien contre l'Etat ». Telle est la formule solennelle que le président du Conseil et chef du fascisme a employée pour résumer la nouvelle ère

Nous reprenons en l'Histoire en 1925 et finissons ce second volume en 1932

La construction narrative reste la même l'auteur et est toujours aussi efficace alternant des chapitres courts, intégrant de nouveaux personnages, et de référant toujours à des articles de presse, correspondances privées et nouveauté des écoutes téléphoniques….

Explication sur le titre : en dépit de ce qu'il a dû concéder, le succès personnel de Benito Mussolini est immense. Parvenu a un accord avec l'Église catholique romaine, apostolique, l'institution la plus ancienne sur la face de la Terre, le fils du forgeron de Dovia, minuscule bourg d'une ville insignifiante de la lointaine Romagne, n'est plus seulement « l'enfant du siècle ». Devenu le cousin du roi par l'attribution du collier de la Sainte Annonciade, le fils du forgeron s'inscrit désormais dans une histoire millénaire. Comme le dira l'archevêque de Prague en visite à Rome, et comme le répétera le pape devant les étudiants et les élèves de l'université catholique, Benito Mussolini est désormais « l'homme de la providence ».

La société italienne de l'époque sombre sous nos yeux. Dans un crescendo tout rossinien, le leader du fascisme démonte un à un les résidus de la démocratie. Chaque année apportant son lot de changements :

9 novembre 1926, n moins de quatre heures, la Chambre des députés a démoli ce qu'il restait de l'Etat libéral, s'est débarrassée de cent vingt-quatre députés élus et a anéanti une conquête qui constituait, en matière de droits civiques, une primauté de l'Italie dans le monde. L'opposition est morte, la liberté est abolie, la libre vie politique a pris fin.

En 1927, le piquet qui monte la garde devant le Quirinal est issu de la Milice nationale, l'armée personnelle qui a permis à Benito Mussolini de violer l'Etat et qui est devenue, après sa conquête, partie intégrante de ce même Etat selon une loi tyrannique, sans cesser cependant de servir Mussolini, et non le roi. Malgré tout, le roi rend les hommages qu'il reçoit avec exquise magnanimité royale. Bien qu'il ait manifesté en privé un peu d'agacement en apprenant la décision du Duce de faire figurer le faisceau de licteur sur l'emblème de la nation à côté du blason de Savoie, il qualifie Mussolini d'homme bon qui pense uniquement au bien du pays En public, c'est certain, le loue et le remercie. le régime italien se mue en un système clos, le préfascisme est fini. Tant dans ses hommes que ses doctrines et ses moeurs. Et, à l'aube de 1927, les observations de ce genre — attachées obstinément à des concepts aussi obsolètes que la cohérence, la rectitude et la dignité personnelle — ont perdu leur pertinence, les voilà myopes, dépassées, peut-être même puériles.

En 1927, on se prépare à un second décollage, en 1927 on inaugure un nouvel horizon d'événements, en 1927 le calme absolu a commencé. La photographie ces débuts montre les hommes nouveaux, leurs nouvelles doctrines, leurs nouvelles moeurs, à côté des hommes du passé, leurs doctrines et de leurs moeurs anciennes, « finies ». le régime se referme sur eux tous. Et l'on a beau aiguiser son regard, grand-peine à les distinguer. La photo, en effet, est prise sur un fond sombre. Tout comme l'avenir ?

En 1929, les élections du 24 mars ne devront pas être de vraies élections. Il s'agira d'un plébiscite : le bulletin de vote ne présentera que deux mots à l'intérieur d'un grand cadre, « oui » et « non ». L'éventualité du « non » n'est évidemment pas envisagée. Mussolini l'a expliqué clairement : un plébiscite peut consacrer une révolution, jamais la renverser. Achille Starace (homme d'une fidélité toute canine à son chef), dans son habituelle et grossière bêtise, l'a redit : même s'il obtenait aux élections non pas douze millions de « oui », mais vingt-quatre millions de « non », Benito Mussolini demeurerait au palais Chigi et l'on en déduirait que l'Italie est devenue une « maison de fous».
La campagne électorale est donc illogique avant même d'être superflue et, de fait, elle n'a pas lieu. L'abstention, qui montrerait du doigt l'opposant, est hautement improbable. le résultat est évident. La crise économique a été surmontée au cours des derniers mois de l'année précédente, la bourgeoisie a définitivement épousé le nationalisme agressif du fascisme, l'opposition est totalement écrasée par les appareils policiers. Poussés par la Conciliation, le clergé, la presse et les associations catholiques invitent avec insistance et ouvertement à voter "oui"

L'auteur s'attarde également sur les détails des rapports de force entre les hiérarques et sur la conquête de l'arrière pays Lybien, entaché par l'usage du gaz moutarde et la mise en oeuvre de camps de concentration. En effet, toutes les tribus du Djebel, cent mille âmes, seront arrachées au haut plateau et concentrées une bande semi-désertique située entre ses flancs et la mer. le 25 juin 1930, des soldats italiens sous le commandement du général Graziani, sur l'ordre précis du maréchal Badoglio et avec la pleine approbation de Benito Mussolini, mettent en oeuvre en Cyrénaïque, au nom du régime fasciste, l'une des plus grandes déportations de l'histoire du colonialisme européen.

L'ouvrage se conclue en 1932 à l'occasion du dixième anniversaire de la révolution fasciste ou l'on inaugure « la Troisième Rome », une ville éventrée. le centre historique des 3 âges (moyen âge, renaissance est baroque) à été cureté en l'espace d'un an, pour l'inauguration de l'exposition de la révolution fasciste….

Comme son précédent volume de sa trilogie Antonio Scurati nous invite à ne pas adoucir les erreurs du passé et à veiller sur les démagogues d'aujourd'hui.

Thucydide disait : “L'histoire est un perpétuel recommencement.”, l'histoire lui donnerait-elle raison ?

A croire que les démagogues d'hier se sont réveillés mais s'ils nous font croire qu'ils se sont adoucis. Tout le contraire de la mise en garde de l'auteur...
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