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Critique de Talec0904


« J'ai passé mon enfance et ma jeunesse dans une contrée des Alpes
septentrionales en grande partie épargnée par les effets immédiats de ce
que l'on nomme hostilités. À la fin de la guerre, j'avais tout juste un an et
je ne saurais avoir gardé de cette époque de la destruction des impressions
fondées sur des événements réels. Et pourtant, aujourd'hui encore, quand
je regarde des photographies ou des films documentaires datant de la
guerre, il me semble que c'est de là que je viens, pour ainsi dire, et que
tombe sur moi, venue de là-bas, venue de cette ère d'atrocités que je n'ai
pas vécue, une ombre à laquelle je n'arriverai jamais à me soustraire tout à fait » écrivait W.G Sebald dans « de la destruction comme élément de l'histoire naturelle » regard perdu de l'émigré qui a quitté l'Allemagne pour l'Angleterre en 1966.
Est-ce là la source de la mélancolie qui règne dans les textes de Sebald et donc probablement, dans son esprit ?
Au départ, une simple randonnée à pied dans le comté de Suffolk. W.G.Sebald vagabonde à travers les cotes désertes, petites villes et villages. Il se perd dans le labyrinthe de jardins abandonnés. Il vagabonde également au travers certains souvenirs de sa propre vie. L'occasion de retracer la mémoire de ces lieux de la côte est de l'Angleterre mais aussi d'autres contrées du Monde à travers l'épaisseur du temps.
Avec un art de la transition stupéfiant, on passe de la Chine du XIXe siècle, dans le palais de l'impératrice Cixi, la révolte des Taiping, le flop économique que constitua l'introduction de la culture de « l'oiseau » à soie en Europe, la phosphorescence post mortem du hareng. On entend les canons des navires hollandais détruire la flotte anglaise à la bataille de Sole Baye, les forteresses volantes gronder dans le ciel du soir pour aller bombarder les villes allemandes, les amours avortées De Chateaubriand en Grande-Bretagne, la Leçon d'anatomie de Rembrandt. le hasard d'une émission de la BBC enclenche le souvenir de l'irlandais Roger Casement, critique virulent des intérêts du roi Léopold au Congo, et finalement exécuté comme dangereux terroriste irlandais et d'autres personnages moins connus, émigrés ballottés au gré du monde. A la fin de son périple, l'auteur va rendre visite à un ami qui, depuis des années, construit une immense maquette du temple de Jérusalem.
Sensible aux couleurs et aux mouvements, Sebald déroule ses phrases avec simplicité. Comme la méditation d'un « promeneur solitaire », il y a là une magie qui nous fait traverser les endroits que l'on a plutôt l'habitude de longer.
Dessins, documents, cartes et photos parsèment ce livre qui, ramenant vers ce qui est plus réel, évitent la pure rêverie. Comme un balancement entre rêverie et réflexions.
Mais tout cela n'est pas qu'érudition retracée avec lyrisme.
Car peu à peu, dans une impossible simultanéité nous avons devant nous la vision d'un monde d'une beauté triste: un monde de ruines, d'éternelle destruction où le souvenir est important car il permet de survivre.
Mais c'est une mélancolie sans pleurs ni larmes, car la nature aussi détruit
Il ne faut pas y chercher une quelconque condamnation de notre existence ou un plaidoyer écologiste: la destruction faisant partie « d'un état naturel »
Vous avez compris que ce livre est vraiment éblouissant et d'une richesse indescriptible.
Je suis de ceux qui croient que seule la poésie permet d'exprimer notre « vision » de la vie, aussi je m'en vais, de ce pas, chercher et lire l'unique livre de Sebald qu'il présente comme poésie : « D'après nature, poème élémentaire »


Ps factuel : ce livre a été écrit en allemand, les phrases écrites en anglais n'ont pas été traduites en français


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