AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de darkmoon


Déchirant. Dévastateur. Magique. Epuisant. Voilà les mots qui me viennent en tête quand je pense à La nostalgie de l'ange.

Immortalisée par son âme d'adolescente de 14 ans, Susie Salmon observe, depuis un paradis façonné à l'effigie de ses rêves d'antan, sa famille en deuil et son redoutable assassin. Sur ces bases narratives simples, La nostalgie de l'ange entremêle les intrigues, superpose les enjeux dramatiques et multiplie les personnages. le travail d'Alice SEBOLD est à ce titre impressionnant dans son jusqu'au-boutisme, quasiment chaque dénouement étant mis en perspective avec un autre. Une manière inconsciente, sans doute, de relier directement le monde des morts et celui des vivants. Les tous premiers passages de la nostalgie de l'ange sont particulièrement émouvants, ils montrent les disponibilités observatrices, émotionnelles et réactives d'une jeune adolescente dont le destin terrestre bascule suite à un abus de curiosité. de l'autre côté une vision d'ensemble de tous les êtres vous ayant choyés ou terrorisés s'avère révélatrice. L'entre deux mondes permet de capter tout en délivrant des passages magnifiques dont certaines significations restent à définir la détresse, l'angoisse et la sensibilité à l'état pure de ceux que l' on perçoit toujours mais dans un monde virtuel. Un nouvel état révèle le pain béni des philosophes, le retrait. Celui permettant de s'imprégner à distance dans un contexte encourageant la soif de continuer un monde vous ayant brutalement congédié.

La nostalgie de l'ange s'éloigne très vite des livres de fantôme traditionnel; pas des draps en mouvement ici, ou des portes qui claquent dans la pénombre. Susie communique émotionnellement avec ses proches, et ses propres états d'âme (tout ce qui lui reste, en somme) influent tacitement sur leurs agissements. Affichant un goût prononcé pour le surréalisme, Alice SEBOLD a l'audace de ne pas poser de mot précis sur les phénomènes ici relatés, et signe comme si de rien n'était le roman fantastique le plus plausible qu'on ait pu lire depuis longtemps. de fait, l'argument fantastique en lui-même n'est pas ici le principal centre d'intérêt de l'auteur. Car La nostalgie de l'ange a choisi de souligner le basculement d'un rêve américain idéalisé vers une société consciente de sa propre déchéance, appelée à se complaire du jour au lendemain dans une relation d'amour-haine avec la figure du serial killer. Pertinente, l'auteur confronte tout au long de la nostalgie de l'ange deux imageries antinomiques, jusqu'à balader son "ange" dans les souvenirs macabres de son croquemitaine. Il était pourtant tentant, dans ce contexte, de pencher pour un roman d'enquête conventionnel ou bien un drame pur et simple. Mais Sebold n'avalise aucune de ces options, ou plutôt les avalise toutes deux simultanément, un genre nourrissant l'autre de manière souvent imprévisible.

En ce qui concerne les personnages, c'est sans doute Jack Salmon, le père de Suzie, qui m'a le plus touché. Depuis la mort de sa fille, il fait tout pour retrouver le corps de sa fille et par la même occasion son meurtrier. Jack, meurtri par ce drame, n'a plus que Suzie en tête et se morfondre sur lui-même.
La soeur de Suzie est aussi un personnage incroyable. Après le drame, elle devra subir le malheur de son père, devra en quelque sorte prendre la place de Suzie - irremplaçable dans le coeur de son père, pense-t-elle - et être identifiée aux yeux de tous comme "la soeur de Suzie SALMON". Mais malgré tout ça, elle aimait sa soeur et est prête à tout pour retrouver son meurtrier. C'est ce qui d'ailleurs, la rapproche de son père.

Pour ce qui est du style d'écriture, je dirais qu'il impose chez le lecteur un certain malaise, une angoisse profonde et persistante, c'est tendu et assez frustrant, à l'image de la scène où Harvey invite Susie à visiter son "coin pour enfants", le théâtre de sa destinée fatale. On sait d'avance ce qui va se produire, et on est là, impuissant devant cet événement horrible, tragique qui va bouleverser sa vie ainsi que celle du monde qui l'entoure.

J'ai trouvé qu'il y avait certains moments de vide dans le roman. Mais Sebold a su exploiter en quelque sorte ce vide, le remplir avec des phrases en suspens, des murmures, des sous-entendus... Elle est là la merveille : elle a rempli du vide avec du vide. Et puis ces phrases qui marquent : "Salmon, comme le saumon, prénom : Susie" "Tu es la fille Salmon, c'est ça ?" "Tu es magnifique, Susie Salmon". C'est étrange, c'est beau, c'est poétique. Un roman d'une élégance rare et d'une finesse exemplaire.
Commenter  J’apprécie          574



Ont apprécié cette critique (40)voir plus




{* *}