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Critique de Apoapo


La thèse fondamentale de cet essai très brillant, excellemment documenté et remarquablement bien structuré, qui s'inscrit « dans la tradition révolutionnaire juive », c'est de contester qu'il y ait un retour du religieux en politique internationale. Une première argumentation concerne la laïcité française, qui fait figure d'exception dans le monde et notamment dans un paysage constitutionnel européen (naturellement reflété aussi dans les traités de l'UE) très explicitement chrétien – catholique, protestant ou orthodoxe. [Dans ces premiers chap. très documentés, l'auteur se laisse aller à une polémique contre (un pamphlet de) Jean-Luc Mélanchon, pour bien se conformer au stéréotype : « les marxistes qui s'entre-tuent » (!), laquelle s'avère néanmoins utile ex post.] Mais la laïcité française, elle aussi, doit être analysée dans sa double nature, tantôt progressiste, tantôt réactionnaire-colonialiste-xénophobe – comme l'illustre la loi sur le « foulard ». Au-delà du religieux, s'impose une compréhension du pouvoir et la domination, qui renvoie au capital et à sa dialectique ancienne et renouvelée avec le pouvoir étatique : la terreur du supermarché comparée à celle du camp de concentration/goulag. Cela constitue l'objet d'une première « méditation » déclinée en 7 chap. et intitulée « La prêtrise laïque » qui se concentre principalement sur la France.
Dans la seconde « méditation », « La désidentification », la même récusation de la primauté du religieux se développe autour du Moyen-Orient, où, au lieu du prétendu conflit de civilisations entre islam et Occident ou même de celui réel mais très circonscrit, israélo-palestinien, l'auteur adopte une optique résolument matérialiste et géopolitique qui place en exergue la ressource pétrolière et in fine la nature génératrice de profondes inégalités de la rente qu'elle génère. Bien que ce deuxième volet de la démonstration ne soit pas inconnu, voire même qu'il soit généralement accepté par de nombreux analystes, il est surprenant que, porté jusqu'à ses conséquences extrêmes, il s'avère porteur d'explications qui ne sont généralement pas admises, par ex. quant au djihadisme, au « Printemps arabe », aux inégalités socio-économiques qui explosent à l'intérieur de l'État d'Israël, parmi d'autres... La grille d'analyse de l'impérialisme des hydrocarbures s'avère encore plus pertinente que celle, historique, du colonialisme.
En marge de l'argumentation de politique internationale classique, l'on trouve aussi avec plaisir une démonstration d'ordre plus philosophique qui révèle les analogies entre l'impératif capitaliste « jouis ! » et l'impératif djihadiste « meurs ! » lesquels se rattachent à leur tour, à travers Alain Badiou, à une fulguration lacanienne sur la relation entre capitalisme-prédation-jouissance masculine (phallique) d'une part, et jouissance féminine-sobriété-praxis révolutionnaire d'autre part : un fil rouge qui, dans les pages conclusives seulement, est noué avec Judith Butler et (de façon décidément inattendue) avec la Bhagavad-Gîtâ...
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