Les étoiles en moi

- Tu as eu un coup de foudre pour une étoile de mer hier, on dirait
- Elle m'a plaqué pour un oursin

Sissy est une charmante jeune femme, ce qui est trompeur car si vous la contrariez, elle vous plantera un tournevis dans la jambe. Mon oncle James vous le confirmera : il boite encore.

Je fais mine d’appuyer sur un bouton, dans mon dos, puis je me lève et le rejoins près de la fenêtre. La vue donne sur quelques cimes d’arbres.

– Qu’est-ce qu’il y a ?

Ford désigne la vitre du menton :

– Les merveilles de la nature.

Son ton émerveillé me laisse penser qu’il est sur le point de me montrer un couple d’écureuils, ou je ne sais quoi d’encore plus beau et mystérieux, comme un cerf, une biche et leurs faons traversant une clairière. Il glisse un doigt sous la ceinture de mon jean et m’attire vers lui pour me permettre de voir l’extérieur sous un autre angle. L’intimité de ce geste me surprend.

J’aperçois alors, au-delà de la terrasse de la maison dans laquelle nous sommes, le jardin voisin légèrement en contrebas sur la colline. Une blonde en maillot de bain une pièce à carreaux est plus ou moins en train de se disputer avec un mec chauve en costard. La nana est debout dans son jacuzzi et, même si on est en été, le type n’a pas retiré sa veste.

– Elle l’asperge d’eau dès qu’il essaie de lui dire quelque chose, commente Ford.

Le bonhomme se met à faire de grands gestes. La femme en maillot se penche et, des deux mains, provoque une vaguelette qui trempe les mocassins du type.

Celui-ci essore le bas de son pantalon et renverse d’un coup de pied une belle jarre, qui bascule sur la terrasse. Le bruit de la chute est si puissant qu’on le devine à travers la vitre, malgré la distance.

J’éclate de rire. Je n’avais encore jamais vu une jarre rebondir comme ça.

– Salut, je m’appelle Ford.
– Salut, me répond-elle, sans se présenter.
Les gens sont évasifs par ici, on dirait. Mais je ne vais pas la lâcher :
– Tu t’appelles comment ?
Elle se redresse et se penche en avant avec un air déterminé, comme si elle s’était subitement décidée à me parler. Je ne sais pas trop ce que j’ai fait pour déclencher ça.
– Magnolia.
– Hum… joli. J’ai une cousine qui s’appelle Marigold1, mais elle ne ressemble pas à une fleur. On dirait plutôt un buisson épineux, si tu vois ce que je veux dire. Elle est en taule en ce moment, pour avoir tenté de faire chanter un mec.
Mais pourquoi je lui parle de ma famille ? Je devrais plutôt penser à l’avenir et à repartir à zéro.

Je ne dis pas non plus que je découvre qu’il faut être un connard pour vivre sa vie. C’est plutôt que je commence à comprendre que ce n’est pas en me forçant à devenir quelqu’un d’autre que je trouverai mon chemin. Mon avenir, c’est tout simplement moi, en plus âgée. Suivre mes propres envies au lieu de m’inquiéter de l’image que je renvoie.

" C’est plutôt que je commence à comprendre que ce n’est pas en me forçant à devenir quelqu’un d’autre que je trouverai mon chemin. Mon avenir, c’est tout simplement moi, en plus âgée. Suivre mes propres envies au lieu de m’inquiéter de l’image que je renvoie."

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