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Citations sur Seine et Danube, n°6 : Le groupe oniriste (13)

La Ballade du Poète de dimanche

Je suis un poète de dimanche
J'ai à ma veste une manche

Rose et une autre indigo.
J'écris des poèmes d'un mot

En avril, que j'efface en mai
Puis je me tais le reste de l'année.

J'aime les oranges mais j'apprécie
Les seins aussi. Je suis épris

D'une femme qui en a trois.
Elle s'en sert quelquefois

Pour astiquer les meubles d'art,
L'argenterie et le vieux samovar

Qui finit par briller tellement
Que le goût du thé s'en ressent.

Puis elle se met à leur enseigner
Les diverses langues du sucrier.

Parfois, pourtant je suis triste,
À croire que je n'existe

Même pas. Je crève des poissons,
Des pissenlits et des ballons

Tantôt avec des aiguilles à tricoter
Tantôt avec des cabriolets.

Et je me soule à la rosée du petit matin
En compagnie des séraphins.

(poème d'Emil Brumaru, traduit du roumain par Virgil Tanase, p. 51-52)
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Il y avait un enjouement roux devant les fourneaux,
Des outardes rôties voltigeaient la fleur au chapeau,
Des adages prenaient forme dans la salle,
Il pleuvait des madeleines en spirale,
On dansait des valses et des rigodons,
Les stars se pressaient en pelisses de vison
Et François Ier s'écriait : tout est perdu
Devant Greta Garbo muette et confondue ;
À ce moment-là j'ai vu
La donzelle tendre les bras
Pour être prise. Et patatras.
Je me réveillai près de la fontaine, esseulé ;
Dans ma main sommeillait un hanneton fuselé.

(Leonid Dimov, extrait de Rêve avec licorne dans Livre des rêves, 1969)
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Rondeurs

Imaginez un vaste val,
Ici ou là un hôpital,
Un établissement thermal
Ou un cimetière mondial,
Ensuite imaginez un râle
Qui s'élève au ciel en rafales
Hors du cœur et des amygdales
Bleues ou vertes mais inégales,
Disséminées près du cristal,
Un dernier son puis en aval :
Les rues coulant sous les étals
Tandis que l'on ferre un cheval.

Et des brumes, brumes vocales.

(poème de Leonid Dimov, p. 35, traduit du roumain par Alain Paruit )
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Mythe

Tout fut interrompu, à cause
D'une souris qui passa devant nous, rose
Elle n'était pas ordinaire, la souris :
Sa queue cassée défila dans la pièce à l'infini.
Son passage plein de puanteur
N'en finissait plus. Quelle terreur !…

Nous les enfants, des rubans jaunes autour du cou,
Nous restions collés au mur. Elle était moche, elle ne nous
Regardait même pas. Mais nous avions peur,
On nageait tous dans la sueur.
Lorsque la souris passait tout près
En nous fixant de son œil comme une bille très
Noire, luisante,
Nous lui demandions d'une voix hésitante
De nous laisser en paix.
Mais elle avait envie de jouer
Et nous voilà tout sur son dos gris
En liesse en poussant des cris.

Ô, c'était notre souris du matin,
De lumière bleue son museau plein
Nous racontait des histoires, des devinettes
Avec des paraboloïdes et des alouettes,
Et nous l'écoutions jusqu'à perdre nos dents,
Enterrer nos jouets, nos parents
Et nous restions irisés, le cou
Figé, à attendre qu'elle ressorte de son trou.

(poème de Leonid Dimov, traduit par D. Tsepeneag, p. 35-36)
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Après-midi

Le grand dragon tué à maintes reprises
Par les ducs magnanimes de notre monde
Cachait dans son iris de belles couleurs de frise
Dans chaque écaille des histoires à la ronde.

Je l'ai trouvé hier sur une fleur de tulipe
Séchée en jaune dans un vieux bouquin.
À son oreille pendaient des bagues, des clips
Ses ailes portaient bijoux pour tout un chacun.

Je lui ai demandé : son œil de corail pâle
À quelle nouvelle magie nous a enhardi ?
Même si je le savais : un murmure sidéral
De salières désertes dans un après-midi.

(poème de Leonid Dimov, traduit par D. Tsepeneag, p. 37)
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Notre revue est menacée de disparaître. Sa disparition pourra montrer mieux que n'importe quel discours à quoi elle servait. À peu de choses… Seulement à la survie dans la conscience des autres d'une littérature de plus en plus absente en Europe, de plus en plus isolée !

(constat final de D. Tsepeneag, p. 180)
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Tout

Les lémures défilent par deux :
Hordes sombres, attirées par les vagues.
Et si je recule quelque peu
Des matinées ensommeillées me narguent.

Dans mon cœur dansent des joies d'antan :
Donne-moi la tasse de cristal grenat
Restée à l'ombre. Le jour venant,
Nous reboirons à des noces de Cana.

Je te prendrai par l'épaule, au matin,
Et tu me chuchoteras comme alors,
Froid, dans le vacarme du festin :
Maintenant, seule une âme vit encore.

[poème de Leonid Dimov, extrait du recueil Spectacle (1979) et traduit par Odile Serre, p. 34]
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On peut, par exemple parler d'un petit roman de Vintilă Ivănceanu, "Jusqu'à la disparition", publié en 1969. Il n'a pas été complètement oublié, puisque deux jeunes écrivains d'aujourd'hui, Ruxandra Cesereanu et Corin Braga, intéressés par la "résurrection" de l'onirisme historique, le mentionnent dans leurs recherches. "Ce que je fais, moi, ici, avoue le personnage-narrateur de Vintilă Ivănceanu, c'est de consigner un prisonnier". Tout le vécu cauchemardesque, "les angoisses, la confusion, le délire", toutes les visions fabuleusement terrorisantes du héros sont rapportées à sa condition de captif, de vivant dans "la zone du rhombe", un espace d'où il ne peut sortir d'aucune manière, bien qu'il essaie tout le temps. Il est étonnant que ceux qui appliquaient à ce moment-là le contrôle idéologique n'aient pas remarqué la transparente allusion aux contours de la Roumanie sur une carte - un rhombe.
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Attente

L'âme vidée de miracles,
On nous a poussés dans une salle de spectacle
Pour nous distribuer, par un système de tuyaux et moteurs
À chacun une gamelle de vapeurs.

On était jeunes, on était militaires,
On était morts à peine, dans la grande guerre
Que nous avons livrée au Détroit.
Qui ne meurt pas ? Tout le monde choit…

Mais à quoi bon philosopher ?
Il valait mieux continuer
Le service, interrompu un moment
Jusqu'à l'arrivée du nouveau régiment
Qui devait nous relayer.
On ne savait seulement qu'il y aurait un spectacle de gala
Et avant qu'il commençât
Nous tentions de comprendre pourquoi
Si haut, sur les corniches, furent mises
Les médailles que nous gardions dans nos valises.

(poème de Leonid Dimov, traduit par D. Tsepeneag, p. 36)
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Chanson

À l'heure où, dans les œufs, le blanc décline
Et, bien rangés, les pots vides font écho
Aux frémissements d'une lampe qui, à la cuisine,
Plonge dans nos âmes son huileux mégot,

Lorsque des anges muets injectent dans nos narines
Des tombereaux d'arômes envoûtants,
Et, dans des tasses flanquées de cruches, dégouline
Le lait candide du dernier couchant

L'éblouissement est tellement inouï
Et notre peur tellement exorbitante
Que nous sommes tous à la recherche d'une scie
Pour ouvrir un matin dans cette immense attente.

(poème d'Emil Brumaru, traduit du roumain par Virgil Tanase, p. 50)
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