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Critique de pchion


J'apprécie beaucoup les écrits de Pinar Selek, écrivaine turque, pourchassée par le régime d'Erdogan et réfugiée politique en France. J'ai pris grand intérêt et grand plaisir à lire son ouvrage principal, « la maison du Bosphore ». J'aime la façon dont elle dépeint ses personnages, l'attachement qu'elle porte aux minorités souvent persécutées, ou tout simplement aux gens qui sortent de l'ordinaire. Son travail d'écrivaine prolonge directement ses engagements militants et je partage beaucoup de ses analyses socio-politiques. Lorsque j'ai vu que « Masse critique » proposait l'envoi de son dernier roman « Azucena ou les fourmis zinzines » aux Éditions des Femmes, je me suis précipité et j'ai été très satisfait d'avoir le bon numéro au tirage du loto !
La première remarque que je ferai c'est que ce n'est pas un roman facile, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, l'originalité du sujet abordé : la vie des personnes marginalisées dans une bonne vieille ville comme Nice. Mais ce n'est pas là la principale difficulté ; ce qui m'a le plus compliqué ma tâche de lecteur c'est le fait que Pinar Selek navigue entre plusieurs personnages, pratique de nombreux sauts dans l'espace et dans le temps, et multiplie les appellations pour la même personne. Azucena se fait aussi appeler Bleue ou la Zinzine aux chaussures rouges, quand elle ne porte pas son prénom de l'état-civil, Suzanne. de surcroît, les personnages sont nombreux et leurs interactions multiples. Il faut donc être très attentif à la lecture des premiers chapitres, plus que je ne l'ai été. Je dirais même qu'il faudrait prendre des notes, si ce n'est que cela devient rapidement impossible tant on est porté par le charme humaniste qui enveloppe l'histoire.
Soyons clairs : plusieurs fois j'ai failli abandonner ma lecture… Je trouvais que l'autrice abusait des ellypses, des bidouillages de la chronologie. Ce n'était pas évident pour moi de passer de la destinée des réfugiés espagnols, à la sauvegarde des chiens malheureux, en faisant escale sur les stands de distribution de nourriture pour les « petites gens ». Bref, lecteur ronchon, jusqu'à ce que je m'aperçoive que l'autrice m'avait, avec subtilité, fait monter dans le voilier de Gouel le chanteur des rues et que, sans m'en apercevoir, j'ai commencé à naviguer avec toutes ces personnes singulières. L'existence et le vécu quotidien anachroniques des « Paranos », des « Zinzines » et de tant d'autres groupes m'ont accroché. le charme de l'écriture de Pinar Selek a joué et je me suis trouvé emprisonné dans ces pages – emprisonné, mais aussi plongé dans de multiples rêveries. Dernière page lue, recopiée en citation tant elle est belle et porteuse d'espérance, je me suis aperçu que j'aimais beaucoup ce livre.
Mes quatre étoiles plutôt que cinq, sont plutôt un avertissement aux éventuel•les lect•eurs•ices. Ce n'est pas un livre à lire dans le métro ou en attendant un train, dans la foule, sur un quai de gare. C'est une lecture à choyer, à aborder dans de bonnes conditions de disponibilités affective et intellectuelle (comme beaucoup sans doute). L'emporterais-je sur une île déserte, je n'en sais rien (il y en a tant !). Mais en tout cas, l'un des joyaux de notre bibliothèque, sûrement… Laissez vous porter par le récit et découvrez l'intimité de ces personnages malmenés par la vie mais dépeints avec une affection et un humanisme profonds. Gouel, Alex, Manu, Azucena, Michel et les autres, je vous ai abandonnés mais j'ai fort envie de vous retrouver un de ces quatre ! Je vais garder ce roman sous le coude et j'y reviendrai un jour proche. Il y a tant de plis et de replis dans cette histoire que je découvrirai alors sans doute quelques belles images que je n'ai pas su assez apprécier en première lecture.

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