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Critique de enjie77


Lire "Les dépossédés" de Steve Sem-Sandberg c'est basculer dans une autre dimension où l'horreur et la faim ont pris le pouvoir, où l'individu a perdu le sens de son humanité, où il n'est plus rien, c'est lire et vivre en direct l'histoire du ghetto de Lodz.

"Publié en 2009 en Suède où il rencontra un grand succès après avoir créé l'évènement à Francfort, lauréat du prix August-Strindberg (l'équivalent suédois du Goncourt), "Les Dépossédés" de Steve Sem-Sandberg est un roman exceptionnel" (Laffont)

Steve Sem-Sandberg s'est inspiré des archives officielles comme celles interdites et cachées du ghetto de Lodz (je sais qu'elles n'ont pas été détruites). La forme romanesque du livre permet au lecteur d'aller jusqu'au bout du tragique. Personnellement, je n'ai pas lâché ma lecture sauf à certains moments où le récit se faisant trop intense émotionnellement, je devais évacuer ma révolte en allant fumer une cigarette. Mais je reprenais ma lecture un peu comme un défi lancé à moi-même, je devais affronter L Histoire! Steve Sem-Sandberg l'avait écrit dans ce but!

Le ghetto de Lodz ne devait être qu' un ghetto de transition au départ mais il a duré jusqu'en 1944 ce qui en fait sa singularité et un sujet d'interrogations pour les historiens.
Le ghetto était dirigé, sous contrôle allemand, par un président, Mordechai Chaïm Rumkowski, ou le "Roi Haïm", personnage qui soulève beaucoup de débats aujourd'hui tant sa collaboration avec les autorités allemandes ne fait plus aucun doute.
Rumkowski était persuadé que si les juifs se rendaient indispensables à l'effort de guerre allemand, ils seraient épargnés.
C'était un homme assoiffé de pouvoir, caractériel, pédophile, pervers, doué d'un grand sens de l'organisation, sachant très bien exploité son entourage, et bénéficiant d'une certaine aura au sein du ghetto, j'imagine du fait de l'affaiblissement du raisonnement des juifs du ghetto affamés et épuisés comme de leur déshumanisation, ils avaient besoin d'un référent, de croire encore un peu en quelqu'un. Il avait le pouvoir absolu et tout membre qui refusait de se soumettre à ses ordres devait être dénoncé. Même parmi les surveillants et contremaîtres juifs, nombreux se sont montrés durs dans leurs relations avec les ouvriers.

Rumkowski ira jusqu'à l'opération du "Wielka Szpera" ( action menée par les allemands) du 5 au 9 septembre 1942 où il demandera aux parents (sauf aux personnes bien placées!!!!!!!) d'abandonner aux allemands les enfants de moins de dix ans, les personnes malades, les orphelins, les personnes âgées de plus de 60 ans, au prétexte de les déplacer afin d'organiser le ghetto en camp de travail. Un représentant de la Gestapo aidé des policiers juifs du ghetto rentrera dans chaque habitation et choisira les personnes jugées inaptes au travail!

Or, Chelmno existait et il est probable que Rumkowski ait été au courant du sort réservé à tous ces déportés.


Ce livre m'a assaillie de questions. Mais c'est un livre à lire absolument pour ne pas oublier, ce roman démontre bien comment fonctionne une micro société d'êtres humains liés les uns aux autres par le même destin : on y retrouve tous les travers de l'être humain., ceux qui veulent une reconnaissance coûte que coûte, ceux qui baissent la tête de peur des représailles. Je pensais qu'en période de détresse, de grande souffrance, il existerait un minimum de solidarité! Non, chacun jouait sa partition, sa survie, même si les informations sur les déportations ne parvenaient pas dans le ghetto, il y a eu des exactions dans le ghetto, il aurait pu y avoir une résistance comme à Varsovie, d'autant que le ghetto rassemblait un grand nombre de juifs de longue tradition de lutte ouvrière: je n'ai rien ressenti de tel, et les allemands ont bien su tirer profit de cette soumission.

Ah oui, et les rabbins continuaient de prier!!!!!

Je vous conseille pour les amis (es) intéressé (es) un article du Professeur Israel GUTMAN, historien, sur le site de Yad Vashem "La singularité du ghetto de Lodz" extrêmement détaillé et donnant beaucoup de précisions sur cette absence de résistance.

Bon, à présent, je vais lire un livre plus lumineux !

A signaler : beaucoup de mots allemands (j'avais mon dictionnaire près de moi) et pour les mots en yiddish, il y a un lexique en fin de livre.



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