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Ce qui frappe avec ce témoignage romancé c'est l'incroyable travail de documentation fait par Sem-Sandberg. Une plongée effarante dans le ghetto de Lodz ou son responsable juif Mordechaï Chaïm Rumkowski va croire qu'en collaborant avec les dignitaires nazis, il protégera ces habitants. L'auteur suédois raconte la survie au jour le jour avec une moult de détails aussi terribles que malheureusement vrai. Rumkowski qui s'imagine être l'homme providentiel est un pathétique pantin manipulé par les bourreaux. La noirceur de l'âme et l'héroïsme humain s'entrecroisent avec son lot terrifiant d'inacceptable et d ‘actes de bravoure. le quotidien de ces habitants est remarquablement décrit par l'écriture juste de Sem-Sandberg, sans souci de sensationnel (l'horreur suffit à lui-même). Une lecture éprouvante qui m'interroge (de quel côté de la ligne, je me positionnerai), facile de répondre à notre époque, mais en 1940 ? Salaud ou héros ? Un témoignage supplémentaire essentiel pour ne jamais oublier. JAMAIS.
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Lire "Les dépossédés" de Steve Sem-Sandberg c'est basculer dans une autre dimension où l'horreur et la faim ont pris le pouvoir, où l'individu a perdu le sens de son humanité, où il n'est plus rien, c'est lire et vivre en direct l'histoire du ghetto de Lodz.

"Publié en 2009 en Suède où il rencontra un grand succès après avoir créé l'évènement à Francfort, lauréat du prix August-Strindberg (l'équivalent suédois du Goncourt), "Les Dépossédés" de Steve Sem-Sandberg est un roman exceptionnel" (Laffont)

Steve Sem-Sandberg s'est inspiré des archives officielles comme celles interdites et cachées du ghetto de Lodz (je sais qu'elles n'ont pas été détruites). La forme romanesque du livre permet au lecteur d'aller jusqu'au bout du tragique. Personnellement, je n'ai pas lâché ma lecture sauf à certains moments où le récit se faisant trop intense émotionnellement, je devais évacuer ma révolte en allant fumer une cigarette. Mais je reprenais ma lecture un peu comme un défi lancé à moi-même, je devais affronter L Histoire! Steve Sem-Sandberg l'avait écrit dans ce but!

Le ghetto de Lodz ne devait être qu' un ghetto de transition au départ mais il a duré jusqu'en 1944 ce qui en fait sa singularité et un sujet d'interrogations pour les historiens.
Le ghetto était dirigé, sous contrôle allemand, par un président, Mordechai Chaïm Rumkowski, ou le "Roi Haïm", personnage qui soulève beaucoup de débats aujourd'hui tant sa collaboration avec les autorités allemandes ne fait plus aucun doute.
Rumkowski était persuadé que si les juifs se rendaient indispensables à l'effort de guerre allemand, ils seraient épargnés.
C'était un homme assoiffé de pouvoir, caractériel, pédophile, pervers, doué d'un grand sens de l'organisation, sachant très bien exploité son entourage, et bénéficiant d'une certaine aura au sein du ghetto, j'imagine du fait de l'affaiblissement du raisonnement des juifs du ghetto affamés et épuisés comme de leur déshumanisation, ils avaient besoin d'un référent, de croire encore un peu en quelqu'un. Il avait le pouvoir absolu et tout membre qui refusait de se soumettre à ses ordres devait être dénoncé. Même parmi les surveillants et contremaîtres juifs, nombreux se sont montrés durs dans leurs relations avec les ouvriers.

Rumkowski ira jusqu'à l'opération du "Wielka Szpera" ( action menée par les allemands) du 5 au 9 septembre 1942 où il demandera aux parents (sauf aux personnes bien placées!!!!!!!) d'abandonner aux allemands les enfants de moins de dix ans, les personnes malades, les orphelins, les personnes âgées de plus de 60 ans, au prétexte de les déplacer afin d'organiser le ghetto en camp de travail. Un représentant de la Gestapo aidé des policiers juifs du ghetto rentrera dans chaque habitation et choisira les personnes jugées inaptes au travail!

Or, Chelmno existait et il est probable que Rumkowski ait été au courant du sort réservé à tous ces déportés.


Ce livre m'a assaillie de questions. Mais c'est un livre à lire absolument pour ne pas oublier, ce roman démontre bien comment fonctionne une micro société d'êtres humains liés les uns aux autres par le même destin : on y retrouve tous les travers de l'être humain., ceux qui veulent une reconnaissance coûte que coûte, ceux qui baissent la tête de peur des représailles. Je pensais qu'en période de détresse, de grande souffrance, il existerait un minimum de solidarité! Non, chacun jouait sa partition, sa survie, même si les informations sur les déportations ne parvenaient pas dans le ghetto, il y a eu des exactions dans le ghetto, il aurait pu y avoir une résistance comme à Varsovie, d'autant que le ghetto rassemblait un grand nombre de juifs de longue tradition de lutte ouvrière: je n'ai rien ressenti de tel, et les allemands ont bien su tirer profit de cette soumission.

Ah oui, et les rabbins continuaient de prier!!!!!

Je vous conseille pour les amis (es) intéressé (es) un article du Professeur Israel GUTMAN, historien, sur le site de Yad Vashem "La singularité du ghetto de Lodz" extrêmement détaillé et donnant beaucoup de précisions sur cette absence de résistance.

Bon, à présent, je vais lire un livre plus lumineux !

A signaler : beaucoup de mots allemands (j'avais mon dictionnaire près de moi) et pour les mots en yiddish, il y a un lexique en fin de livre.



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Témoignage sous forme de roman sur le ghetto de Lodz , surtout sur le responsable juif du ghetto Mordechaï Chaïm Rumkowski .
Est-il naïf , espérait-il se sauver lui même et sa famille , sans doute était-il dans l'impossibilité de croire à la réalité de ' La solution finale ' puis après quand il s'est rendu compte de l'horrible réalité , il a sans doute été dépassé par les évènements , pris dans un engrenage implacable .
A sa décharge , il faut dire qu'il ne s'en n'est pas sorti , lui et sa famille ont été partie des derniers juifs à être déportés et ils furent gazés dès leur arrivée , de toute façon , il aurait dû rendre des comptes pour ses actions .
A-t-il réellement cru qu'on pouvait discuter avec les allemands , a-t-il pensé que survivre quelque temps était préférable à mourir tout de suite , à un moment , on a l'impression qu'il croit que les allemands vont gagner la guerre et qu'ils devront bien trouver un accord pour vivre ensemble .
Ce livre pose pleins de questions pertinentes , il permet de réfléchir à ce que fait l'homme dans des situations extrêmes .
Chacun peut se faire sa propre opinion sur ce trouble personnage .
Livre très bien documenté , très complet , on partage le quotidien des habitants du Ghetto , on voit que certains se débrouillent mieux que d'autres , rusent , se compromettent , rares sont ceux qui parviennent à rester dignes .
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Dans ce terrible roman, l'auteur nous convie à une plongée en apnée dans le ghetto polonais de Lodz, de son établissement en 1940 à sa liquidation en août 1944. Se basant sur une importante documentation (entre autres, La Chronique du ghetto qui fut miraculeusement épargnée, et de très nombreuses autres sources), il reconstitue le gouvernement du ghetto, la vie quotidienne dans celui-ci et les grands événements qui marquèrent sa brève et tragique histoire. Ce fut un ghetto remarquablement productif, comptant des centaines de milliers de personnes et des milliers d'ateliers et d'usines à ses débuts. Se détache la figure ambigüe et détestable de son Président, Mordechai Chaim Runkowski, qui crut pouvoir pactiser avec le diable et collabora avec l'administration nazie en s'efforçant de convaincre ses gouvernés que leur contribution à l'effort de guerre les sauverait, jusqu'au point où il leur demanda de livrer vieillards et enfants. Inutile de vous préciser que ce récit n'offre que peu de répit au lecteur alors que l'on s'enfonce un peu plus chaque jour dans la faim, l'horreur et le désespoir, car parmi les personnages courageux et résilients que l'auteur a construits à partir des archives susmentionnées, pratiquement aucun ne survécut pour raconter le ghetto de vive voix.
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Ce livre est l'histoire extrêmement bien documentée et romancée de la vie dans le plus grand ghetto juif de Pologne, Lodz, d'avril 1940 à janvier 1945. C'est le ghetto qui a vécu le plus longtemps avant la déportation et le gazage de presque la totalité de ses habitants : sur 230.000 hommes, femmes et enfants, seuls 870 survécurent.

On va retrouver dans ce roman, sous leur véritable nom, les représentants de la triple administration de Lodz, semblable à celle de tout ghetto :
une administration civile : l'Amtsleiter Han Biebow
une administration militaro-policière : le SS Oberstumbannführer Otto Bradfisch
une administration juive : le Judenrat ou Conseil juif, présidé par Mordechai Rumkowski, le personnage central du roman.

Jusqu'à aujourd'hui, la personne de Rumkowski a suscité beaucoup de critiques. Primo Levi lui-même, dans son livre « Les naufragés et les rescapés » considère qu'il a « adopté le style oratoire de Mussolini et d'Hitler » et qu'il s'est comporté comme un autocrate. Et, en effet, l'auteur nous montre un Rumkowski qui choisit de collaborer avec les nazis pour, dit-il, assurer la survie du ghetto dont il a fait une cité ouvrière produisant très efficacement pour assurer la victoire allemande. Il vit avec toute sa famille dans une grande aisance, donne de grandes fêtes et des banquets auxquels il convie les autorités nazies quand tous autour de lui souffrent de la faim, du froid et manquent de tout (le titre original du livre est « Les pauvres de Lodz »). Nous suivons l'histoire de la famille Rumkowski mais aussi celle, très attachante, de quelques familles qui, elles, en sont réduites à tenter de survivre. Jamais le président Rumkowski ne met en doute la confiance qu'il a dans les autorités allemandes qui dirigent le ghetto et il croit même naïvement que Lodz survivra dans une Allemagne victorieuse, comme une enclave juive indépendante et économiquement très productrice ! Quand les nazis lui demandent d'établir une liste d'enfants et de vieillards à déporter, il s'exécute. Il n'hésite pas non plus à réprimer durement ses compatriotes récalcitrants. Pourtant, en 1945, Rumkowski et toute sa famille seront déportés à Birkenau où ils seront gazés le jour même de leur arrivée. Au moment de monter dans le train, il cherche le wagon confortable qui est certainement réservé à des personnes de leur importance avant de se retrouver dans un wagon à bestiaux surpeuplé…

C'est un très long roman dans lequel l'histoire des personnages choisis par l'auteur s'interrompt souvent pour donner place à des citations, des extraits de documents de la Chronique du ghetto ou à des informations historiques. Pourtant, on ne s'ennuie jamais et on poursuit la lecture, un peu halluciné, complètement immergé dans la vie quotidienne de Lodz dont on pense capter un peu de l'horreur qu'elle fut pendant quatre longues années. Quand on a fermé le livre, on reste quelque temps habité par ce qu'il nous dit et on n'arrive pas tout de suite à se plonger dans un autre roman… et on pense que, décidément, les victimes n'ont pas que des héros dans leurs rangs, et c'est très dérangeant.
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Encore un roman sur le nazisme direz-vous…! Oui, mais un roman qui éclaire cette période avec un point de vue différent: la vie d'un ghetto, de plus de 230 000 personnes, celui de Łódź devenu par la volonté d'un homme l'une des plus importante usine de production pour l'armée allemande. Un roman qui s'appuie sur un très important travail de documentation de l'auteur qui étudia les archives juives et nazies du ghetto, photocopies d'archives intégrées aux pages du roman.
Un ghetto préexistant, comme dans toute la Pologne, à l'arrivée des soldats allemands, qui connut des arrivées de juifs d'autres pays parlant d'autres langues, et ses départs….ses déportations
Trois hommes collaborèrent pour faire de ce ghetto une usine performante : « A partir de rien, le plus important fournisseur d'accessoires pour l'armée allemande vit soudain le jour. »
Les nazis Hans Biebow et Otto Brasdisch et le Président du Judenrath ou Conseil Juif Mordechai Chaim Rumkowski, sont les personnages clés du livre. Steve Sem-Sandberg nous permet de suivre la vie d'autres personnages, beaucoup plus anonymes et attachants, et de découvrir avec eux le quotidien du ghetto, la faim, les trafics pour tenter de survivre, les mouvements de résistance, les bons et les salauds, les profiteurs, les appartements mieux, le froid, la lutte pour pour un bout de bois, pour un morceau de charbon, les soupes claires…
Un regard sans complaisance sur cette société juive, peu différente des autres sociétés humaines
D'un coté, des allemands qui, au prix de restrictions alimentaires et d'une faim tenace, exigeaient des résultats et de l'autre coté un Président du Conseil juif, Rumkowski, qui se comportait en véritable petit dictateur, avec son culte de la personnalité, pour obtenir ces résultats. Il disposait d'une police, d'un tribunal, de la possibilité d'emprisonner, de réprimer les plus récalcitrants et notamment de lutter contre les grèves pour un peu plus de soupe et de pain.
Un Président qui pensait qu'en respectant les volontés nazies, qu'en négociant avec eux, il obtiendrait un mieux-être pour la population. Un homme qui organisait des fêtes, des repas auxquels étaient invités ses partenaires nazis. Et quand ceux-ci lui demandèrent des listes de personnes, malades ou âgées, voire d'enfants à déporter, il obéit, devenant ainsi aux yeux de l'histoire l'un des ces responsables juifs ayant participé à l'extermination de leur propre peuple.
Les nazis avaient consenti un prêt à l'administration juive du ghetto afin de construire cette « usine » et à dans le discours qu'il fit à Himmler, visitant Łódź il précisera: « Nous construisons une ville ouvrière, Herr Reichsführer. […] Et nous continuerons de travailler aussi longtemps que nous avons une dette envers vous. ».
Un ghetto envisageable dans la durée comme une norme de vie des Juifs : « Rien, absolument rien à l'heure qu'il est, ne s'oppose au ghetto comme mode d'existence de demain pour les juifs d'Europe. »
Mais avait-il réellement le choix ? Était-il égoïste et repoussait-il ainsi sa propre déportation en obéissant, en anticipant les demandes nazies, ou n'était-il pas une clé de la perversité et de l'hypocrisie nazie. Sa désobéissance aurait-elle changé quelque chose, aurait-elle évité ces déportations ? Aurait-elle évité la faim ? Après tout ces juifs n'étaient que des « matériaux humains affectés » !
Chaim Rumkowski n'était pas un saint non plus, il nous est présenté comme un pédophile abusant d'enfants, voire des siens, et un violeur jetant son dévolu sur des femmes .Abject !
Son obéissance n'a pas empêché sa propre élimination. le 28 août 1944, il cherchait dans le train, le compartiment réservé aux personnalités. Entré parmi les premiers dans le wagon au sol couvert de sciure, il fut repoussé loin de la porte. L'Histoire retiendra qu'il ne fit pas partie des 10 000 survivants du ghetto.
Tous supposaient et savaient ce que voulait dire »déportation » : ils voyaient revenir les vêtements ensanglantés, les bagages. Pourquoi n'y a t-il eu que peu de mouvements de résistance? C'est facile, depuis notre fauteuil, au chaud, le ventre plein, 70 ans après, de refaire l'Histoire, de dire : « ils auraient du… », « ils auraient pu ». A Varsovie ils l'ont fait. Pourquoi là et pas ailleurs ?
Ce livre bouscule notre tranquillité, nous donne une autre image de la Shoah, une image différente de celle des camps : la vie pendant plusieurs années de nombreux juifs avant de devenir martyrs des camps, la collaboration entre certains dirigeants juifs et les nazis, les « sales boulots effectués par des juifs eux-mêmes », l'obéissance à ces despotes collaborateurs.
Une lecture terrible et dérangeante, souvent pas facile. Un texte qui informe et interroge le lecteur, un ouvrage couronné en Suède par le Prix August-Strindberg , l'équivalent suédois semble-il du Goncourt.

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Voici un livre exceptionnel, sombre et courageux. L'histoire du ghetto de Lodz tenu par un responsable juif de 1940 à1944, qui jusqu'au bout pensera qu'en assurant les activités de production demandés par les nazis, il épargnera sa communauté du pire. Pour cela il ira jusqu'à apporter son concours à la déportation des femmes, des enfants et des vieillards. Cela est " L Histoire" à laquelle s'ajoute la fiction avec des protagonistes identifiés et des personnages qui permettent de comprendre la réalité du ghetto avec ses héros et ses lâches, ses profiteurs et ses voyous. Ce livre, poignant et réaliste, laisse un poids sur le coeur mais transcende indiscutablement son propos.
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C'est un récit très complexe, mais qui se lit très bien. On entre dans le fonctionnement sinistrement délirant du ghetto juif de Lodz, géré par un homme médiocre, sournois et pédophile, qui pourtant parvint à préserver des milliers de vies bien plus longtemps que dans tous les autres ghettos d'Europe centrale. On suit donc l'histoire de cet homme paradoxal, nommé "le Roi du Ghetto" par les nazis, on se confronte à la folie nazie et à la façon de la supporter en devenant fou soi-même, et on affronte toute la crasse humaine mais sans oser la juger -car comment savoir comment réagir dans un contexte absurde où tous les repères explosent les uns après les autres ? Steve Sem-Sandberg propose donc un travail de réflexion sur la Shoah, sur l'Humanité, et sur nous-mêmes. On n'en sort pas indemne, c'est une lecture éprouvante mais passionnante, et qui nous grandit.
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J'ai trouvé ce livre non seulement très intéressant mais également très bien documenté. Nous avons toutes les pièces nous permettant de situer et de comprendre les rouages de fonctionnement des ghettos (je dis des, car celui de Lodz fut le précurseur de ce qui allait se passer dans tous les autres).

Malgré tout, je vais me faire l'avocat du diable. En cause dans ce livre, l'attitude semble-t-il arrogante et suffisante de Chaïm Rukowski et de son extrême "servilité" vis à vis des Allemands. La tenue de discours particulièrement insupportables demandant aux parents de livrer leurs enfants, et leurs vieillards considérés comme improductifs. Ainsi que bien d'autres faits qui lui sont reprochés.

Au jour d'aujourd'hui et avec ce que nous savons eu égard à ce qui se passait dans les camps, il est facile de s'ériger en juge. Mais en 1942, si beaucoup connaissaient l'existence des camps (juifs et non juifs j'insiste, des cartes postales circulaient en Europe occupée et les soldats parlaient à leur retour chez eux), seul un petit nombre savait ce qui s'y passait réellement. Par ailleurs, même si Rukowski était tout puissant, il lui fallait l'accord du Conseil Juif pour prendre toutes ses décisions et le Judenrat avait voté avec le personnel médical du ghetto à 90 % l'abandon des enfants et des vieillards improductifs dans le but, illusoire on le sait maintenant, de sauver le plus de juifs restants.

Compte tenu de la famine, de la maladie, des brimades et des tortures journalières qui régnaient dans le ghetto, qu'est-ce qui était le plus dur pour des familles ? voir leurs proches mourir à petits feux ou une mort directe ? Aucune solution n'est acceptable, mais la seconde pourrait paraître plus supportable. On peut toujours penser que la guerre prendra fin bientôt, mais quand le bientôt dure trop longtemps...

Il faut également ne pas oublier que toutes ces populations juives venaient de milieu très divers et que la majorité d'entre-elles qui venaient du prolétariat étaient extrémement pauvres et déjà épuisées du fait des discriminations naturelles envers les juifs (déjà en 1930) bien avant l'anchluss, puis leur pauvreté fût pendant et après par lui en 1938 lorsqu'elles furent réduites à la misère sociale organisée (saisie de leurs outils de travail, interdiction de vendre à des non juifs quelques marchandises que ce soit, etc...) jusqu'à l'enfermement dans des ghettos où là encore, elles eurent à subir des vols, de l'exploitation etc...C'est cette population exangue que Rukowski s'est efforcée de sauver, et peu importe les moyens employés dussent-ils être insurportables et intolérables et dût-il s'avillir aux yeux des allemands comme de son peuple.

Je ne justifie pas sa mégalomanie, ni sa pédophilie avérée, ni ses autres monstrueux défauts. J'essaye de réfléchir et faire la part des choses. Il semble établi que sous la direction de Rukowski la distribution de vivres se soit faite équitablement à tous. Que des activités éducatives et culturelles se soient développées clandestinement, mais qu'également et même si cela paraît dur, les méthodes appliquées aient assurées la survie du ghetto jusqu'en 1944.

On oublie également que le Judenrat, la police du ghetto (dont les membres étaient des juifs convertis à la chrétienté) et les chefs d'ateliers étaient eux-même en sursis et qu'à l'intérieur du ghetto chacun essayait de sauver sa peau comme il le pouvait. J'ai bien conscience que cela n'excuse pas tout, mais quand même, si un membre d'une famille avait une place dans l'administration ghetto, il était compréhensible qu'il en fasse profiter les autres, ou des proches ou des amis. Dans ces cas là, l'homme reste un homme chacun pour soi et Dieu pour tous. Il n'y a plus de peuple élu, seulement des malheureux et des miséreux qui ne savent à qui se vouer. de plus, est-il préférable de voir les membres de sa famille agoniser par la faim, la maladie, la torture, plutôt qu'une mort que l'on savait rapide ???
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Voici un livre exceptionnel, sombre et courageux. L'histoire du ghetto de Lodz tenu par un responsable juif de 1940 à1944, qui jusqu'au bout pensera qu'en assurant les activités de production demandés par les nazis, il épargnera sa communauté du pire. Pour cela il ira jusqu'à apporter son concours à la déportation des femmes, des enfants et des vieillards. Cela est " L Histoire" à laquelle s'ajoute la fiction avec des protagonistes identifiés et des personnages qui permettent de comprendre la réalité du ghetto avec ses héros et ses lâches, ses profiteurs et ses voyous. Ce livre, poignant et réaliste, laisse un poids sur le coeur mais transcende indiscutablement son propos.
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