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Critique de gerardmuller


Lettres à Lucilius
Sénèque (4 av. JC / 65 ap. JC)
Cet excellent ouvrage contenant quelques-unes des nombreuses lettres de Sénèque à Lucilius demande d'une part une présentation du personnage de Sénèque et d'autre part un rapide exposé des idées qu'il développe.
Sénèque, un des philosophes les plus lus de l'histoire de la philosophie, est né à Cordoue en 4 avant J.C. Il suivit une formation de rhétoricien en même temps que de philosophe, s'intéressa au pythagorisme avant d'adhérer à la doctrine stoïcienne. Avocat puis questeur et sénateur, Sénèque fut un très grand orateur et écrivain. Caligula, jaloux de sa réussite, entreprit en 39 de le faire condamner à mort. Sénèque échappa de justesse à la condamnation et se retira en Corse en 41. À l'avènement de Néron, après avoir été son précepteur, Sénèque devient son conseiller politique personnel et l'Empire romain est en fait dirigé et géré de façon avisée pendant huit ans par Sénèque lui-même. En 65, suite à une dénonciation calomnieuse, Sénèque se suicide.
Les lettres à Lucilius, son vieil ami et disciple bien aimé, adepte d'un épicurisme hédoniste, procurateur en Sicile, furent écrites peu de temps avant son suicide afin de lui transmettre la somme de ses méditations en vue de cultiver sa vie intérieure et infléchir sa vie vers le stoïcisme. On remarquera la limpidité, la simplicité et le concret de ses propos qui sont considérés comme un des chefs d‘oeuvre de la littérature philosophique, exprimant nos forces et nos faiblesses, afin les connaissant de tendre vers le bonheur. Un magnifique message d'espoir et un ouvrage universel, que laisse Sénèque à son ami.
Pour Sénèque, continuateur de la philosophie hellénistique, la philosophie est un art, une véritable médecine de l'âme ayant pour but d'affranchir les hommes de l'extériorité et d'opérer un retour sur soi, et le premier élément à domestiquer, c'est le temps, qu'il faut savoir recueillir et ménager. « En étant maître du présent, tu dépendras moins de l'avenir. » Et il ajoute plus loin : « Je succombe au sommeil plutôt que je ne m'y livre ! » Il exprime son goût des voyages et de la lecture, et pour lui ce n'est pas parce que l'on possède peu que l'on est pauvre, c'est parce qu'on désire plus ! Savoir choisir ses amis, ne pas faire comme tout le monde, et la philosophie vous enseigne le bon sens, l'amour de l'humain et la solidarité. Ne pas dédaigner les plaisirs : « La sensualité n'est autre que la quête du raffinement, et il faudrait être fou pour fuit les plaisirs les plus simples et les plus accessibles. » Une série de conseils de Sénèque à son ami : « Fuir la foule et sa cruauté, ne point ressembler aux méchants parce qu'ils sont les plus nombreux, ne point haïr le grand nombre parce qu'il diffère de nous…Fréquente ceux qui te rendront meilleur, reçois ceux que tu peux rendre tels. » Ne pas oublier que la sagesse est le fruit d'un travail sur soi. N'accorder au corps que le strict nécessaire à la bonne santé : « Manger doit seulement apaiser la faim, boire étancher la soif, le vêtement garantir du froid, le logement abriter contre l'inclémence des saisons. » Parlant de l'amour, cette belle formule : « C'est par son propre feu que l'amour, insoucieux de tout les reste, embrase les âmes pour la beauté physique, non sans espoir d'une mutuelle tendresse. » Et l'amitié ? Bien qu'il se suffise quant à son bonheur, le sage a besoin d'amis.
Abordant la vieillesse : « L'enfance n'a tout son éclat qu'au moment où elle passe ; pour les buveurs, la dernière rasade est toujours la bonne, c'est le coup qui les noie, qui rend l'ivresse parfaite. » Et il cite l'anecdote de Pacuvius qui s'était emparé de la Syrie et qui répétait ses funérailles à chaque victoire se livrant à des libations et une formidable débauche. Sénèque plus raisonnable déclare que ce que Pacuvius faisait par dépravation, il souhaite le faire dans la paix de l'âme et se préparer à la mort chaque soir au moment de se coucher.
Philosopher doit être un exercice quotidien en quête de la sagesse car la vie heureuse est le fruit d'une sagesse parfaite. Et pour cela, s'adonner à la méditation, suivre son dieu et supporter la Fortune, mépriser la fatigue, n'écouter que soi.
le bien, c'est le savoir. le mal, c'est l'ignorance. La grandeur de l'homme c'est sa raison et reconnaître ses défauts est le premier pas vers la vertu. Philosopher, c'est se préparer à mourir en acceptant l'inévitable. Et Sénèque d'écrire : « Avant de vieillir, j'ai songé à bien vivre, et dans ma vieillesse à bien mourir, mourir sans regret. » Nécessairement le hasard possède sur notre vie un pouvoir immense ; nous vivons au gré du hasard.
Dans l'action à juger, il faut privilégier l'intention, car le mérite n'est pas dans l'action mais dans la manière de la faire. S'efforcer d'être toujours égal à soi-même.
Sénèque met en garde Lucilius contre l'ambition et la vanité de l'action politique.
Sénèque privilégie l'échange privé, l'intimité du dialogue avec un disciple ici illustrée à travers sa correspondance avec Lucillius plutôt que l'enseignement en classe. Une relation unit alors le maître à penser et son disciple qui est archétypique de la pensée gréco-latine et qui a pour seule finalité l'art de bien vivre. La valeur du dialogue permet alors une union intellectuelle entre un maître exemplaire modèle de vertu à imiter et un disciple, union qui implique une amitié. Alors que l'épicurisme considère le rapport à autrui comme l'une des deux clés essentielles du bonheur, l'autre étant la pratique de la philosophie, les stoïciens sont indifférents à l'affection et à l'estime d'autrui, à l'altérité en général, fuient l'opinion du vulgum pecus et préfèrent se retrouver seuls avec eux-mêmes, leur vertu étant alors leur seul bien, nécessaire et suffisant.
Quand on songe aux conditions de vie de cette époque, on est étonné de la hauteur de la pensée dans ce monde gréco-romain, un monde inégalé avec des penseurs toujours de nos jours considérés, Sénèque, Épicure, Démocrite, Platon, Héraclite, Marc-Aurèle et encore bien d'autres.
Un ouvrage qui se lit par petits chapitres en laissant sa pensée voguer.



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