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Critique de HordeDuContrevent


On raconte beaucoup d'histoires au Sud du Monde…Venez, collez votre oreille à ce coquillage et écoutez…

A travers le regard curieux d'une baleine blanche couleur de lune, Luis Sepúlveda sensibilise les lecteurs, jeunes et moins jeunes, à préserver l'environnement, à respecter les espèces animales qui vivent toutes en symbiose en évitant chasse massive et surpêche, à s'inspirer des peuples autochtones (ici les laafkenches, à savoir « les gens de la mer ») qui préservent de façon sacrée le lien qui les unit à la nature. Ce récit, en se plaçant du point de vue de la baleine, nous offre un regard différent sur le monde qui nous entoure.

L'auteur s'inspire d'une histoire vraie, celle de Mocha Dick, ce célèbre cachalot poursuivi par des baleiniers dans les mers du Sud au début du 19ème siècle. Son nom proviendrait de son lieu de vie, une île du Chili, l'île de Mocha, au large de la Patagonie. La légende dit que ce cachalot était immense, féroce, et pugnace. de nombreux baleiniers tentèrent de le capturer, en particulier le baleinier Essex du capitaine Achab. A sa mort en 1838, pas moins d'une vingtaine de harpons auraient été trouvés sur son corps. Cette histoire aura inspiré également Melville pour écrire son fameux roman Moby Dick.

L'auteur apporte une touche fantastique à ce fait divers, le transformant ainsi en fable, en imaginant que cette baleine blanche est chargée d'une mission, celle de protéger les morts mapuches puis, lorsque la fin des temps sera venue, de guider toutes les âmes au-delà de l'horizon. Cette mission sera perturbée puis entravée par la chasse à la baleine, l'animal va ainsi livrer une guerre impitoyable aux baleiniers et devenir un grand mythe de la littérature. Luis Sepúlveda a repris à son compte ce mythe en prenant comme point de départ la découverte, en 2014, d'un cachalot échoué sur les plages chiliennes.
A Melville le roman d'aventure vécue sur les baleiniers par le capitaine Achab, à Luis Sepúlveda la poésie mélancolique de cette baleine traquée, baleine devenue mythe ! Une même histoire narrée de deux points de vue et de deux façons différentes, cet écho est intéressant pour les lecteurs ayant lu Moby Dick.

Ce qui fait le charme de cette fable mélancolique, à la morale somme toute très classique, est surtout la façon dont elle nous est racontée. La plume de l'auteur chilien est poétique, délicate, sensible, et lire à voix haute ses mots c'est plonger dans un chant écologique d'une beauté simple mais profonde qui nous fait tellement écho encore aujourd'hui, particulièrement écho même.
La lecture est entrecoupée, entre chaque courts chapitres, de beaux dessins de Joëlle Jollivet, dessins en noir et blanc pour magnifier, apporter de la magie et venir illustrer ce que le chapitre suivant va aborder.

J'ai lu cette belle et émouvante histoire un soir de tempête en bord de mer, et j'ai cru entendre, comme si j'avais l'oreille collée à un coquillage, la voix de cette baleine blanche murmurer à mon chevet pour dénoncer la cupidité et la haine des hommes. Oui la baleine m'a parlé.
« — Mets-la contre ton oreille et la baleine te parlera, dit le petit laafkenche.
Et il s'éloigna à grands pas sur la plage sombre de galets. Je l'ai fait. Et sous le ciel gris du sud du monde, une voix m'a parlé dans le vieux langage de la mer. »

Si certaines scènes sont particulièrement violentes, notamment lorsque la baleine, recouverte de nombreux harpons d'où s'écoule le sang, est à l'agonie, tant les mots que les dessins l'évoquent avec pudeur et délicatesse de sorte que cette histoire peut convenir aux plus jeunes.

« Ils ne nous chassaient pas pour se nourrir de notre chair mais pour l'huile de nos intestins qui brulait en éclairant leurs maisons. Ils ne nous tuaient pas parce qu'ils avaient peur de notre espèce ; ils le faisaient parce que les hommes ont peur de l'obscurité et que nous, les baleines possédions la lumière qui les délivrait des ténèbres ».

Si la chasse à la baleine est centrale dans ce récit, graisse et huile étant les moteurs de cette quête impitoyable, part belle est faite au comportement des hommes au-delà de cette activité lucrative. La baleine observe de son oeil à fleur d'eau et évoque la violence des hommes entre eux tant leur propension à se déclarer la guerre est forte ce qui ne cesse d'étonner notre baleine. Elle assiste ainsi à certains combats entre bateaux. Et de façon plus large, depuis les eaux qui bordent le rivage, elle compare les hommes modernes à la recherche du profit aux peuples autochtones qui vivent en symbiose avec la faune et la flore qui les entourent. de quoi nous faire réfléchir…

Oui, l'histoire de cette baleine blanche un soir de tempête m'a touchée et fut une parenthèse à la fois poétique mais très mélancolique…J'ai aimé cette histoire du Sud du monde, blottie confortablement au Nord de ce même monde...


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