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Critique de Ziliz


Ziliz
10 novembre 2016
En décembre 1968, Mary Bell, onze ans, a été condamnée pour 'homicide involontaire avec responsabilité atténuée', après avoir tué deux petits garçons de trois et quatre ans.

Malgré son jeune âge, Mary Bell a été jugée comme une adulte. Quid de la responsabilité pénale des enfants ? De leur notion du bien et du mal ? De ce qu'ils ont eux-mêmes subi pour en arriver là ? Un tueur est-il forcément un monstre, quel que soit son âge ?
Mary Bell a été envoyée en prison dès 16 ans. Pourquoi ? Quelle est la fonction de l'emprisonnement ? Protéger les citoyens ? Punir les criminels ? Les remettre dans le droit chemin grâce à un système éducatif approprié, dont ils ne pourraient pas bénéficier dehors ? Hélas, les moyens manquent pour l'enseignement et la réinsertion...
Et après ? Une fois la peine purgée ? Le coupable doit-il continuer à payer en se cachant, sous peine d'être harcelé par les médias, chassé par les 'honnêtes citoyens' ? Un enfant qui a tué reste-t-il dangereux ?

Même si cet ouvrage fait partie de la sélection 'Prix du Meilleur Polar Points 2016', il ne s'agit pas d'un roman policier, mais d'un documentaire.
Après avoir rencontré Mary Bell enfant pour un premier ouvrage sur cette affaire ('The Case of Mary Bell', 1972, consacré aux meurtres et au procès), la journaliste d'investigation Gitta Sereny a de nouveau travaillé avec elle trente ans plus tard. Elle a recueilli ses témoignages et ceux de personnes qui l'ont côtoyée et/ou accompagnée.
L'idée de l'auteur n'était pas de publier un livre à sensation, mais de retracer le parcours de Mary (de sa naissance non désirée à sa vie de femme et de mère, en passant par la case prison) pour comprendre comment les enfants peuvent déraper, pourquoi les enfants meurtriers sont de plus en plus nombreux. A travers ce cas et celui, plus récent, de l'affaire James Bulger, le lecteur est invité à réfléchir sur les systèmes judiciaires et pénaux - appliqués aux mineurs, notamment - et à s'indigner, forcément.

Le récit est minutieux, fouillé, la lecture est dérangeante, même si Gitta Sereny évite de s'appesantir sur les détails sordides. L'auteur sait montrer que Mary Bell, victime de maltraitances maternelles, « n'était rien d'autre qu'une enfant désorientée à qui un jour on avait fait quelque chose d'affreux ». Son écoute attentive, respectueuse, met Mary Bell en valeur sans la dédouaner de ce qu'elle a pu commettre - la journaliste rappelle fréquemment la douleur des proches des deux petites victimes.

Le titre original est plus pertinent que sa traduction française (on s'en fiche qu'elle ait été jolie ou moche lorsqu'elle a tué, Mary, à onze ans !) : 'Cries Unheard, the Story of Mary Bell' :
« Mary Bell n'était pas un assassin mais une enfant maltraitée à qui on n'a pas porté secours », conclut l'auteur, avant de préciser : « [...] en Grande-Bretagne, nous ne nous contentons pas d'être discrets, nous vouons un culte à la vie privée. Nous n'observons pas les enfants de nos voisins. Surtout, nous ne les écoutons pas, nous ne sommes pas - pardonnez-moi de le répéter encore - à l'écoute de leurs cris, de leurs pleurs, de leurs appels. »
C'est terrifiant.

• Un autre récit (fictif cette fois ?) sur un enfant meurtrier : 'L'affaire Jennifer Jones', d'Anne Cassidy - aussi bouleversant et intelligent que ce documentaire de Gitta Sereny.
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