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Critique de Bologne


« Petite Boîte d'Os, elle est spéciale, vous occupez pas. » Comment ne pas être spéciale, avec un nom pareil ? Elle fut ainsi nommée parce que son père, pasteur d'une petite communauté survivante au Déluge, prêchait à sa naissance que « nous ne sommes qu'un sac de flan mou dans une petite boîte d'os ! » Comment s'étonner qu'aux jeunes gens du village, elle préfère Joseph Tados, parce qu'il traîne une réputation de cannibale, et parce qu'il l'entraîne sous le lac, là où l'on immerge les cercueils. le ton est donné. Une poésie funèbre, puisant sa force dans un humour macabre, règne dans ce premier et court roman, où l'invention absurde se plie à l'implacable logique de la narration. En cent pages, c'est toute une vie qui défile, de la naissance de Petite Boîte d'Os à son regret que le ponton du lac ne soit pas en pente, lorsqu'elle se retrouve seule et vieille en fauteuil roulant. Toute une vie sans espoir dans un monde oiseaux.
C'est cette poésie qui nous attache d'abord au roman. Un ton grave et candide, servi par une langue riche en images. Ainsi, pour évoquer la baignade dans les eaux glacées du lac qui a recouvert le monde : « Quand je remonte à la surface en hoquetant, ils sont là, tous les trois, à battre des jambes et des bras dans l'eau glaciale pleine de petites écailles gelées, leurs têtes posées sur un plateau d'argent, maman redevenue maman, et on rit tous les quatre dans la nuit coupante. » La tête sur un plat d'argent, qui évoque Jean Baptiste, appelle le tranchant de la nuit, qui rebondit sur un froid coupant.
Puis un monde se construit autour de Petite Boîte d'Os, un village avec problèmes de survie, d'amours contrariées, de naissances et de fausses couches, de vieillesse et de solitude. Un monde aux inventions pittoresques, mais qui font froid dans le dos, comme ces « cochons-biftecks », une espèce mutante et phosphorescente, plus facile a repérer lorsqu'ils nagent sur le lac… L'efficacité de ces trouvailles est de les considérer comme tout à fait normales dans ce village sauvé des eaux, ce qui nous fait soudain douter de la normalité du monde. Surtout lorsqu'arrive, un jour, « un étrange bateau plein d'hommes en bobs kaki, chargés de crème antimoustique, de carnets de notes et d'appareils photo à long nez. » Ces ethnologues, qui considèrent le village comme « une sorte de réserve », sont l'irruption soudaine du monde normal, celui du lecteur. « Ma fille avait trois ans. Je l'ai perdue. Dans un bombardement », dit l'un d'eux au hasard d'une conversation. le monde normal, en effet. Et c'est le nôtre.
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