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Critique de Zora-la-Rousse


J'avais déjà lu La promesse de l'aube il y a longtemps, très longtemps ; trop jeune certainement pour tout et bien comprendre. À l'occasion de la sortie d'une version complète du texte illustrée par Joann Sfar (excellente initiative de Futuropolis), je n'ai pas pu résister. Encore une fois ;)
Il s'agit au premier abord d'un roman autobiographique qui raconte l'auteur enfant à Vilnius, puis adolescent à Nice, jeune étudiant à Paris, militaire enfin pendant la deuxième guerre mondiale, non pas sous forme d'une chronologie de faits mais plutôt sous l'angle de la construction de l'homme en devenir, d'une observation : « curieux comme l'enfant peut survivre dans l'adulte ». J'ai eu grand plaisir à relire ce texte magnifique, au point de désirer poster une citation à quasi chaque page lue. Quel talent pour décrire les rêves de l'enfance, dans ses désirs et ses envies, voire ses ambitions. Ses premières amours, ses premières filouteries aussi, ses débuts littéraires, il se livre en toute sincérité. Mais c'est à mes yeux moins un livre qui parle de lui plutôt que de sa mère, de l'amour sincère et absolu qu'ils se vouent mutuellement.

Contrairement à ma première lecture, je me suis prise d'affection pour cette femme hors du commun. Courageuse, quasi opiniâtre, cette mère est seule pour élever son fils unique. Elle veillera à ce qu'il ne manque de rien, physiquement, intellectuellement et artistiquement. Elle nourrira pour lui les plus grandes ambitions… Cet amour filial passionné, à la limite du raisonné, m'a longtemps paru effrayant, castrateur, humiliant aussi. Il l'est, le reste à mes yeux ; mais j'y ai découvert plus que ça, peut-être parce que je suis devenue mère à mon tour. Fervente, idéaliste, passionnée, démesurée, elle lui a tout grand ouvert les portes du possible ; cette femme est à la fois comme issue d'un temps révolu et d'une modernité incroyable. Sa conception des hommes est totalement rétrograde, tout comme celles de femmes, mais son indépendance farouche est fascinante, surtout pour cette époque. Au-delà, Romain Gary relate ses anecdotes avec tant d'humour, de finesse psychologique, qu'on tendrait à son instar à tout lui pardonner, au final.

On trouve beaucoup plus de gravité dans la dernière partie, sur le récit qu'il fait de ses années de guerre. Il échappe à la mort à plusieurs reprises, alors que tant de ses compagnons meurent autour de lui, ses amours aussi. Il explique en milieu de roman qu'à ses débuts il commençait toujours par écrire le dernier chapitre. « J'étais assis dans ma chambre, au rez-de-chaussée de l'hôtel, devant la fenêtre ouverte, occupé à polir le dernier chapitre du roman auquel je travaillais. C'était un superbe dernier chapitre, et je regrette aujourd'hui encore de n'avoir jamais réussi à écrire ceux qui devaient le précéder. À l'époque, j'avais déjà au moins vingt derniers chapitres à mon actif. ». Réussite parfaite pour La promesse de l'aube : le dernier chapitre est magnifique, admirablement amené par tous ceux qui le précèdent.

Les dessins de Joann Sfar enfin ont été un vrai plus pour moi. Déjà par sa qualité intrinsèque, évidemment, mais parce qu'il choisit d'illustrer les extraits qui l'ont arrêté, lui, en fonction de sa sensibilité propre, et qui n'avait pas forcément pris autant de place dans ma lecture. Il leur a alors donné un relief nouveau à mes yeux, et ça, c'est divin pour une re-lecture...
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