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Critique de Satine


Voici quelques extraits d'une nouvelle oeuvre de l'illustre Shakespeare qui mêle ruses, traîtrise, jalousie et amour. Je ne la connaissais pas du tout avant de la lire. Je ne l'ai pas vue en film bien qu'elle ait été adaptée. Je laisse volontiers place aux commentaires des amateurs pour comparer les deux versions ou tout simplement évoquer le film ou la pièce de théâtre. Bonne lecture en espérant que ces modestes mots vous plairont autant qu'à moi.
Résumé issu de http://www.usine-c.com/favicon.ico
Othello, noir guerrier d'Afrique devenu général de l'armée de Venise vient d'épouser en douce la belle Desdémone. Héros de grandes batailles et porteur d'un passé presque mythique, il a acquis le respect du pouvoir vénitien et est envoyé en mission à Chypre pour défendre l'île contre les Turcs.
Iago, son fidèle porte-drapeau, n'a pas eu de la part du Maure la promotion tant désirée qui a été plutôt accordée au jeune florentin Cassio. Iago est habité depuis d'un sombre dessein de destruction. Improvisant peu à peu des jeux de projections, des manipulations et usant de sous-entendus qui engendrent chez l'autre des pensées troubles, il inocule peu à peu le poison de la jalousie et ébranle l'identité même d'Othello, si chèrement acquise et construite. le Maure accomplira alors l'impensable en tuant sa tendre épouse.
Extrait 1 : Iago fait part à Roderigo de sa traîtrise envers Othello :
Iago : Oh ! Monsieur, rassurez-vous. Je le sers afin de lui servir un de mes tours. Nous ne pouvons tous être des maîtres et tous les maîtres ne peuvent être servis avec loyauté. Vous en remarquerez beaucoup de ces faquins soumis, aux genoux courbés, qui, s'éprenant de leur obséquieux esclavage, usent leurs jours, tout comme l'âne de leur maître, pour leur seule pitance ; quand ils sont vieux, on les congédie. Fouettez-moi ces honnêtes coquins. Il en est d'autres qui, parés des formes et des visages du dévouement, gardent leur coeur attentif à eux-mêmes et, ne jetant à leur seigneur que des semblants de service, prospèrent sur son dos ; une fois bien doublée leur jaquette, ils se rendent hommage à eux-mêmes. Ces gaillards-là ont quelque esprit et je fais profession d'être des leurs. Car, Monsieur, aussi sûr que vous êtes Roderigo, si j'étais le More, je ne serais pas Iago, le servant, je ne sers que moi-même ; le Ciel en est mon juge, je ne le sers ni par amour, ni par devoir, mais, avec des semblants, pour ma fin particulière ; le jour où mes actes extérieurs montreront l'acte et la figure intérieure de mon coeur sur ma manche pour que les corneilles le becquettent. Je ne suis pas ce que je suis.

Extrait 2 : Desdémone émet le souhait de partir avec son mari Othello à la guerre :
Desdémone : Que j'ai aimé le More jusqu'à vouloir vivre avec lui, ma flagrante révolte et mon dédain de ma fortune peuvent le proclamer au monde. Mon coeur est soumis au point d'aimer même le métier de mon maître. J'ai vu le visage d'Othello dans son âme et c'est à sa gloire, c'est à ses aspects vaillants que j'ai voué mon coeur et mon sort. Aussi, chers seigneurs, si on me laisse derrière lui, comme un insecte de paix, tandis que lui part ne guerre, je serai privée des nobles raisons pour lesquelles je l'aime et subirai en une pesante attente l'absence de celui que j'aime. Laissez-moi partir avec lui.

Othello : Qu'elle ait vos suffrages ! le Ciel m'en soit garant, je ne le demande pas pour plaire au palais de mon appétit ni pour complaire à la chaleur des passions, aux jeunes élans, pour ma singulière et personnelle satisfaction, mais pour me conformer librement à son gré. Et que le Ciel garde vos esprits bienveillants de penser que je négligerai votre grave et grande affaire parce qu'elle sera avec moi. Non, le jour où les jeux aux ailes légères de l'aérien Cupidon émousseront de lascive torpeur mes facultés de penser et d'agir, le jour où mes plaisirs corrompront et gâteront mes devoirs, que les ménagères fassent un chaudron de mon casque et que toute infamante et vile calamité se ligue contre mon renom !

Extrait 3 : Roderigo fait part à Iago de sa tristesse suite au mariage de Desdémone avec Othello et lui avoue son désir de se noyer :
Roderigo : C'est une niaiserie que de vivre lorsque la vie est un tourment ; puis il nous est prescrit de mourir quand la mort est notre médecin.
Iago : O lâche ! Voici quatre fois sept ans que je regarde le monde ; et depuis que j'ai su distinguer un bienfait d'une injure, je n'ai jamais trouvé un homme qui sût s'aimer lui-même. Avant de dire que je voudrais me noyer pour l'amour d'une pintade, j'échangerais mon humanité avec un babouin.
Roderigo : Que devrais-je faire ? Je confesse que c'est honteux pour moi d'être si amoureux, mais il n'est pas au pouvoir de ma vertu de m'en corriger.
Iago : La vertu ! Une baliverne. C'est par nous-mêmes que nous sommes ainsi et ainsi. Nos corps sont des jardins, dont nos volontés sont des jardiniers ; si nous y plantons des orties ou y semons de la laitue, si nous y mettons de l'hysope et en arrachons l'ivraie, si nous les garnissons d'une seule espèce d'herbe ou les composons d'un choix mêlé, que ce soit pour les rendre stériles par oisiveté ou les féconder par l'industrie ! Eh bien, me pouvoir, l'autorité directrice en tout cela réside dans nos volontés. Si la balance de notre vie n'avait un plateau de raison pour faire équilibre au plateau de sensualité, le sang et la bassesse de notre nature nous conduirait aux plus absurdes conclusions. Mais nous avons la raison pour rafraîchir nos émotions furieuses, nos aiguillons charnels, nos désirs effrénés ; d'où je conclus que ce que vous appelez amour n'est qu'une bouture, un rejeton.
Roderigo : Ce ne peut être.
Iago : C'est seulement une chaleur du sang, un consentement de la volonté. Allons, sois un homme. Te noyer ! Noie des chatons et des chiens aveugles. Je me suis déclaré ton ami et m'avoue lié à ton service par des liens d'une solidité durable. Jamais mieux que maintenant je n'aurais pu t'assister. Mets de l'argent dans ta bourse ; suis ces guerres, déguise ton visage par une barbe d'emprunt. Je te le répète, mets de l'argent dans ta bourse. Il n'est pas possible que Desdémone conserve longtemps son amour pour le More, ni que lui lui conserve son amour pour elle. le début fut violent, tu verras une séparation à l'avenant. Ces mores sont changeants en leurs volontés – remplis ta bourse d'argent. L'aliment qui maintenant lui est aussi doux que des caroubes, en peu de temps lui sera aussi amer que de la coloquinte. Il est inévitable qu'elle changera pour quelqu'un de jeune ; quand elle sera rassasiée de son corps, elle reconnaîtra l'erreur de son choix. C'est pourquoi, mets de l'argent dans ta bourse. Si tu veux à tout prix te damner, trouve un moyen plus délicat que la noyade. Aie donc le plus d'argent que tu peux. Si la religion et un serment fragile entre un nomade de Barbarie et une Vénitienne ultra-subtile ne sont pas choses trop dures pour mon esprit et toute la tribu de l'enfer, tu jouiras de cette femme ; donc rassemble de l'argent. Au diable, l'idée d'aller te noyer ! C'est complètement à côté. Cherche à te faire pendre en obtenant celle qui est ta joie plutôt que de périr noyé sans l'avoir obtenue.

Extrait 4 : Iago poursuit son jeu de traître et fait croire à Othello que sa femme le trompe ce qui le déstabilise totalement :
Othello : Quel sens avais-je des heures qu'elle volait pour son plaisir ? Je ne la voyais pas, n'y pensais pas, cela ne me faisait pas de mal : je dormais bien la nuit d'après, j'étais bien, j'étais gai ; je ne trouvais pas les baisers de Cassio sur ses lèvres. Celui qui est volé, qui ne manque pas de ce qui lui est volé, qui ne le sait pas, n'est pas volé du tout.
Iago : Je suis fâché d'entendre ceci.
Othello : J'aurais été heureux quand le camp tout entier, sapeurs et le reste, aurait goûté son tendre corps sans que j'en pusse rien savoir. Oh, maintenant pour toujours, adieu l'esprit tranquille ! Adieu le consentement ! Adieu les troupes empanachées et les grandioses guerres qui font de l'ambition une vertu… Oh, adieu ! Adieu, coursier hennissant, stridente trompette ! Tambour enflammant le coeur, fifre perçant l'oreille, royale bannière, honneurs de toute sorte, orgueil, pompe, cérémonies de la guerre glorieuse ! Et vous, engins de mort dont les rudes gosiers contrefont les redoutables clameurs de l'immortel Jupiter, adieu ! C'en est fini des occupations d'Othello !
Iago : Est-ce possible, monseigneur ?
Othello : Misérable, sois bien sûr de me prouver que celle que j'aime est une infâme ; sois-en sûr ; donne-m'en la preuve oculaire. (Il le saisit par la gorge) Sinon, par le prix qu'à mon âme immortelle, tu aurais mieux fait d'être né chien que de répondre à ma rage éveillée !
Iago : En est-ce venu là ?
Othello : Fais-moi voir la chose ; ou, du moins, prouve-la de telle façon que la démonstration ne porte saillie ou faille où accrocher un doute ; sinon, malheur à ta vie !
Iago : Mon noble seigneur…
Othello : Si tu la calomnies et si tu me tortures, ne prie jamais plus ; abandonne tout remords ; sur la tête de l'horreur accumule les horreurs ; fais des choses à faire pleurer le ciel, à stupéfier la terre ; car tu ne peux rien ajouter à ta damnation de plus grand que cela.
Iago : O Grâce ! O Ciel, pardonne-moi ! Etes-vous un homme ? Avez-vous une âme, une raison ? Dieu soit près de vous ; reprenez mon emploi. O misérable niais qui vis pour faire de ton honnêteté un vice ! O monde monstrueux ! Prends note, prends note, ô monde, qu'être droit et honnête n'est pas sûr. Je vous remercie de la leçon et désormais n'aimerai plus aucun ami puisque l'affection provoque pareille offense.
Othello : Non, reste ; tu dois être honnête.
Iago : Je devrais être sage ; car l'honnêteté est une folle et perd ce qu'elle travaille à sauver.
Othello : Par l'univers, je crois que ma femme est honnête et je crois qu'elle ne l'est pas ; je crois que tu es juste et je crois que tu ne l'es pas ; je veux avoir quelque preuve. Son nom qui était aussi frais que le visage de Diane, le voici terni et noir comme ma propre face. S'il y a des cordes ou des couteaux, du poison, du feu, des vagues qui suffoquent, je n'endurerai pas cela. Oh, avoir une certitude !
Iago : Je vois, seigneur, que vous êtes dévoré par la passion : je regrette de vous avoir mis ces idées en tête.

Extrait 5 : Desdémone a égaré un mouchoir offert par Othello. Iago l'a dérobé pour le donner à Cassio et ainsi apporter une preuve à Othello :
Othello : Oh ! Que ce coquin ait quarante mille vies ! Une seule est trop pauvre, trop chétive pour ma revanche. Maintenant, je vois que c'est vrai. Regarde, Iago, ici : tout mon fol amour je le souffle comme ceci vers le ciel… Il s'est envolé. Lève-toi, noire vengeance, hors de ton antre creux. Cède, ô mon amour, ta couronne et ton trône dans le coeur à la haine qui tyrannise ! Gonfle-toi, mon sein, avec ta charge, ta cargaison de langues d'aspic !

Extrait 6 : Othello affronte Desdémone :
Othello : Dis-moi qui es-tu ?
Desdémone : Votre femme, monseigneur ; votre femme fidèle et loyale.
Othello : Allons, jure-le et damne-toi. En te voyant pareille à ceux du ciel, les démons eux-mêmes auraient peur de te saisir. Donc, damne-toi doublement : jure que tu es fidèle.
Desdémone : le Ciel le sait vraiment.
Othello : le Ciel sait vraiment que tu es fausse comme l'enfer !
Desdémone : Fausse envers qui, monseigneur ? Avec qui ? Et comment le suis-je ?
Othello : O Desdémone arrière ! Arrière !
Desdémone : Hélas ! le triste jour !... Pourquoi pleurez-vous ? Suis-je la cause de ces larmes, mon seigneur ? Si par hasard vous soupçonnez mon père d'avoir été l'instrument de votre rappel, na faîtes pas porter le blâme sur moi ! Si vous perdez son affection eh bien ! Moi aussi je l'ai perdue !
Othello : Si le Ciel avait pris son plaisir à m'éprouver par des malheurs, s'il avait fait tomber une ondée de toutes sortes de maux et de hontes sur ma tête nue, s'il m'avait plongé dans la misère jusqu'au niveau des lèvres, s'il avait voué à la captivité ma personne et mes espoirs suprêmes, j'aurais trouvé quelque part en mon âme une goutte de patience ; hélas ! Faire de moi à jamais un mannequin immobile qu'à jamais le temps méprisant désignera d'un doigt lent et mobile ! O douleur, douleur ! Pourtant cela aussi, je l'eusse enduré ; bien enduré ! Mais le lieu même dont j'ai fait le grenier de mon coeur, où je dois trouver la vie, ou ne pas endurer de vivre ! La fontaine où prend naissance tout mon courant de vie ou sinon il se tarit ! En être rejeté ! Ou bien ne la garder que comme une citerne où s'accouplent et procréent de monstrueux crapauds !... Oh ! Change de couleur, patience, jeune chérubin aux lèvres roses ! Oui, prends un visage sinistre comme l'enfer !
Desdémone : J'espère que mon noble seigneur m'estime honnête.
Othello : Oh oui ! Comme en des abattoirs les mouches d'été qui renaissent de leurs oeufs ! Oh mauvais herbe que tu es, si aimablement belle et d'odeur si suave que les sens en souffrent…plût au Ciel que tu ne fusses jamais née !
Desdémone : Hélas ! Quel péché ai-je commis sans le savoir ?
Othello : Ce beau papier, ce cahier si magnifique, étaient-ils faits pour qu'on y écrivît : «putain » ?... Ce que tu as commis, ce que tu as commis, …ô fille publique ! Je ferai de mes joues des brasiers de forge qui réduiraient en cendres toute pudeur su seulement je racontais ce que tu as fait !…. Ce que tu as commis !... le Ciel s'en bouche le nez, la lune ferme ses yeux ; les vents obscènes, qui baisent tout ce qu'ils rencontrent, se tiennent cois dans l'antre profond de la terre et ne veulent pas l'entendre ; ce que tu as commis ! Impudente catin !

Extrait 7 : Desdémone discute du comportement de son mari avec Emilia sa servante qui n'est autre que l'épouse de Iago :
Emilia : Je crois que c'est la faute des maris si les femmes succombent. Si, comme on dit, il néglige ses devoirs, s'il porte en un giron étranger les trésors qui nous sont dus, ou s'il éclate en hargneuses jalousies, nous soumettant à des contraintes, ou bien s'il nous frappe, si par dépit il réduit notre précédent train de vie… Eh bien ! Nous avons nos rancunes et, bien que nous ayons de la gentillesse, nous prenons une revanche. Que les maris apprennent que leur femme a des sens comme eux : le regard, le flair, un palais à la fois pour le doux et pour l'amer, tout comme eux. Que font-ils, eux, quand ils nous remplacent par d'autres ? Est-ce un jeu ? Je crois que oui. Et la tendresse nourrit-elle ce plaisir ? Je crois que oui. Est-ce leur faiblesse qui fait chez eux cette erreur ? Oui, encore oui. Et nous, n'avons-nous pas nos mouvements d'affection, nos désirs de jouer, notre faiblesse, tout comme eux ? Donc qu'ils nous traitent bien ; sinon qu'ils apprennent : les péchés que nous faisons, ce sont eux qui nous les enseignent.
Extrait 8 : Othello entre dans sa chambre pour tuer Desdémone, dormant dans leur lit.
Othello : C'est la cause, c'est la cause, mon âme. Laissez-moi ne pas vous la nommer, chastes étoiles : c'est la cause. Pourtant je ne veux pas répandre son sang, ni balafrer cette peau plus blanche que la neige et lisse comme l'albâtre des tombeaux… Pourtant il faut qu'elle meure, sinon elle trahira d'autres hommes. Soufflons la lumière, puis soufflons cette lumière ; si mon souffle t'éteint, dispensateur de flamme, je puis ressusciter la clarté première si repentir me prend, mais toi, ta lumière une fois soufflée, toi, le plus exquis modèle de la nature en son excellence, qui pourrait raviver ta lumière !... (Il pose à terre le flambeau.) Si j'arrache la rose, je ne peux plus lui rendre sa croissance vitale ; elle ne pourra plus que se faner. Je veux la respirer sur sa tige. (Il l'embrasse.) O haleine de baume, qui pourrait presque persuader à la justice de briser son épée ! Un baiser, encore un baiser ! Reste ainsi quand tu seras morte, je vais te tuer et je t'aimerai après… Un baiser encore et c'est le dernier ! Jamais chose si douce ne fut si fatale. Je ne peux pas ne pas pleurer, mais je pleure de cruelles larmes ; ce chagrin est céleste : il frappe où il aime.
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