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Critique de raton-liseur


Je n'arrive pas à me souvenir comment j'ai entendu parler de cette pièce, mais cela fait un bon bout de temps que j'ai dans l'idée de la lire. C'est enfin chose faite et, si ce n'est pas la pièce la plus célèbre de Shakespeare, j'ai pris un plaisir certain à la lire. D'abord pour les mots de Shakespeare (j'ai lu la pièce en français, mais j'ai la chance d'en avoir une version en anglais sur mes étagères et j'ai lu les passages les plus savoureux en anglais, et qu'est-ce que ça sonne bien. Les pièces en vers ont vraiment quelque chose de particulier, et les lire ou les voir jouer est un régal pour les oreilles). Ensuite pour l'histoire. Un peu caricaturale, certes, comme le sont beaucoup de fables, mais tout de même très intéressante.
Timon est un citoyen athénien d'une grande générosité. Sa fortune est immense et il ne peut concevoir de ne pas en faire profiter ses amis. Il les aide lorsqu'ils sont dans le besoin, et il n'hésite ni à leur faire des cadeaux somptueux ni à leur offrir des festins à la hauteur de l'immense amitié qui les lie. Mais Timon est un peu cigale, et à force de générosité, ses fonds s'épuisent. C'est à son tour de devoir se tourner vers ses amis pour leur demander leur soutien. Et ce qui devait arriver arriva : aucun de ses amis n'est prêt à le secourir, aucun ne risque un seul penny pour lui venir en aide. Timon ouvre les yeux sur les relations humaines et s'aperçoit que ce n'est pas à force d'argent et de cadeaux que se forge l'amitié, et il en conçoit une haine farouche pour l'ensemble du genre humain, ce qui fait de lui, plusieurs siècles avant Alceste et de façon bien plus radicale, l'archétype du misanthrope.
Shakespeare aurait trouvé l'inspiration pour cette pièce dans un paragraphe de Plutarque faisant référence à ce personnage qui aurait effectivement existé. Il reprend quelques-unes des légendes qui tournent autour de ce personnage, le rendant d'autant plus tragique. Parce que, plus que ce qui peut expliquer la haine de cet homme pour le genre humain, c'est la violence de cette haine, c'est son caractère extrême et entier, qui lui fait tout à coup détester les hommes sans voir toutes les marques d'humanité qui l'entourent. Je suppose que c'est le personnage qui veut cela, d'abord extrême dans son amitié, d'une candeur et d'une naïveté qui peuvent être attendrissantes ou qui peuvent prêter à sourire (selon la personnalité et l'humeur du lecteur ou du spectateur, je suppose), il devient, dès la première épreuve qui remet en cause son système de pensée, extrême dans sa haine, violent en paroles et en actes symboliques, inconsolable et impossible à raisonner. Et pourtant, des hommes fidèles, il y en a autour de lui, Flavius, son intendant n'étant pas le dernier. Mais il est aveuglé par sa misanthropie et incapable de la voir, et c'est ce qui rend la pièce et le personnage tragiques, aux deux sens du terme.
Et me voilà donc émue par ce personnage, touchée non vraiment par ce qu'il dit de l'amitié et des relations humaines, mais plutôt par l'entièreté de son caractère. Cette pièce de Shakespeare est peu connue, on peut lire ici ou là que ce n'est pas sa meilleure. Certes, mais j'ai beaucoup apprécié cette lecture, avec une pièce qui a tous les ingrédients des grandes pièces classiques, et je ne serais pas contre aller la voir au théâtre s'il prenait la fantaisie à des acteurs de la mettre en scène. En un mot, une pièce de théâtre comme une petite perle à découvrir.
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