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Critique de Levant


Levant
04 septembre 2020
Quand on évoque le nazisme et le cortège d'horreurs qui reste attaché à cette funeste mouvance, on oublie trop souvent qu'elle a eu ses opposants. Et Dieu sait s'il fallait être courageux jusqu'à l'inconscience pour faire partie de ces derniers, escomptant éradiquer le mégalomane xénophobe qui avait mis sur pieds la monstrueuse machine à avilir le genre humain.

Dans Château de femmesJessica Shattuck nous introduit dans ce cercle de rêveurs d'une Allemagne débarrassée de son fou sanguinaire. Ils n'auront, on ne le sait que trop, pas connu l'aboutissement de leur clairvoyance. Leur fantasme philanthropique sera très tôt étouffé, au bout d'une corde.

Restent ces femmes dont Jessica Shattuck évoque le sort dans ce roman. Elles avaient en commun d'avoir partagé la vie de ces idéalistes qui déploraient de voir leur pays s'enfoncer dans la voie de la perdition. Comment revivre normalement au sortir du cauchemar selon le comportement qu'ont eu les uns et les autres vis-à-vis du pouvoir oppresseur pendant cette période noire. Entre condamnation, pardon et glorification, comment réconcilier les partis pris dans un pays profondément traumatisé et redonner espoir en l'avenir.

La personne humaine, une décennie étouffée par la machine infernale, reprend ses droits. L'oubli est certes impossible mais la vie doit reprendre son cours et reconstruire une société faite d'individus aux parcours parfois inconciliables. Très belle analyse faite par Jessica Shattuck de cette réadaptation du pays au travers de l'histoire de femmes forcément meurtries par leurs déboires. La recouvrance définitive ne s'imaginant pas selon elle avant la réunification du pays après la chute du mur de Berlin. Les vainqueurs ayant entretenu la scission du pays du fait de leurs propres divisions pendant la guerre froide.

Très beau roman qui met en exergue les affinités, les sensibilités, sans sombrer dans l'affectation, avec cette forme d'austérité de ceux qui ont connu le pire et n'aspirent en des jours meilleurs qu'avec circonspection. L'écriture est sans emphase, appropriée au contexte avec la grisaille du décor et l'accablement qui affuble les caractères. Une écriture émaillée de quelques pointes de virulence crue qui peinent toutefois à décrire des scènes pénibles.

Château de femme est un beau roman qui se défend de tout jugement. Il traite de cette période de convalescence d'un pays avec beaucoup de pertinence et de retenue dans l'examen des consciences.
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