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Critique de Zebra


« Le nouvel inspecteur » et « Le croissant de lune » sont deux nouvelles extraites du recueil « Gens de Pékin », recueil rédigé par Lao She dans les années 30, traduit du chinois et édité par Gallimard dans la collection Folio en août 2008. L'ouvrage est d'un format réduit (moins de 100 pages) et se lit d'une traite.

Né à Pékin en 1899 et mort en 1966 lors de la révolution culturelle, Shu Quingchun, dit Lao She, est connu pour avoir habilement mêlé lyrisme et réalisme, humour et cruauté. Ces deux nouvelles ne font pas exception à ce constat et nous révèle deux faits marquants : l'étendue du talent de celui qui fut un des plus grands écrivains chinois du 20ème siècle et l'inégalité de sa prose.

La première nouvelle « Le nouvel inspecteur » prête à rire : You Lao'er, promu inspecteur, cherche à se donner une contenance et une certaine respectabilité, ce qui n'est pas une mince affaire dans un contexte marqué à la fois -pour You Lao'er et son équipe- par l'absence de budget, de moyens humains, de formation et de pratique, et par la forte proportion de brigands harcelant et rançonnant régulièrement la police. Notre inspecteur se fera avoir : il y laissera sa paie et une partie du montant des frais payés d'avance par son supérieur hiérarchique. La deuxième nouvelle « Le croissant de lune » est sombre, voire lugubre, et fait vibrer la corde sensible du lecteur : une jeune fille pauvre tente de s'en sortir par tous les moyens, y compris par la prostitution, mais elle en mourra (si la vie des Chinois de cette époque pouvait être désespérante, celle des Chinoises était, elle, gâchée d'avance et sans aucun espoir de solution).

Dans ces deux nouvelles, Lao She met en scène des gens ordinaires, des hommes et des femmes à cheval sur deux époques, l'une qui tente de survivre, l'autre qui essaye d'imposer une vision et des idées nouvelles. Les humbles ressemblent à des laissés-pour- compte, des marginaux, de pâles figurants affamés, muets et stressés : l'auteur sait de quoi il parle car, étant d'origine mandchoue, il comptait parmi les miséreux de Pékin, de cette ville qui forçait autrefois l'admiration de tous les Chinois. Des morceaux de vie bien racontés. Des comportements éternels (nécessité, jalousie, volonté de sauver les apparences et de maintenir son statut). Des références aux vieilles coutumes chinoises, ce qui met un peu de piment dans ces deux histoires. Une portée documentaire évidente, la vie quotidienne à Pékin à la fin de l'Empire étant habilement décrite. Un brin d'humour mais aucun espoir dans un monde meilleur, quand bien même la révolution culturelle frapperait aux portes de l'Empire du Milieu : le ton peut être badin et comique mais le fond reste tragique. le style de la première nouvelle est assez quelconque (l'auteur fait dans la simplicité et le naturel) quand celui de la seconde est moins alerte. Sans grande recherche, l'écriture reste globalement plate et l'angle de vue plutôt banal.

Le décalage (historique et géographique) est fort mais ce recueil n'est pour autant pas très exotique : est-ce dû au fait que Lao She était abreuvé de littérature réaliste et sociale du 19ème siècle, au fait que certaines finesses linguistiques ont disparues à la traduction, ou au fait que le lecteur occidental pouvait s'attendre à des scènes moins ordinaires ? Allez savoir ! Au final, on a deux nouvelles à lire sans déplaisir mais sans passion non plus (on est loin du fameux « Pousse-pousse »). Un glossaire des termes empruntés au dialecte pékinois et situé à la fin du livre permet de comprendre la signification de certains termes « du coin » et d'entrer un peu plus dans le sujet (exemple : on y apprend que les mauvais pains de là-bas s'appellent des wowotou). A réserver aux passionnés de littérature Chinoise.
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