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Critique de Henri-l-oiseleur


"Même si, en vérité, à propos de l'Arabie et de ce que la nature y produit, nous nous sommes longuement étendus, nous avons toutefois rapporté beaucoup de choses pour satisfaire la curiosité des amateurs de lecture" (II-54-7 Περὶ μὲν οὖν τῆς Ἀραβίας καὶ τῶν ἐν αὐτῇ φυομένων εἰ καὶ πεπλεονάκαμεν, ἀλλ' οὖν πολλὰ τοῖς φιλαναγνωστοῦσι πρὸς φιληκοΐαν ἀπηγγέλκαμεν.)

Le mot est dit : curiosité. La curiosité (φιληκοΐα, philêkoia, le plaisir que l'on prend à écouter raconter des histoires) est à la fois la plus grande qualité des Grecs, et la tournure d'esprit qu'ils nous ont léguée, consistant à aimer savoir, fouiller, enquêter, et observer la façon de vivre des autres cultures et civilisations (qui s'intéressent beaucoup moins aux autres, semble-t-il). Certes, Diodore appelle ces non-Grecs, selon l'usage, "Barbares", mais dans le second volume de son ouvrage on ne trouvera nul jugement de valeur ni aucune dépréciation des réalités et des peuples qu'il évoque. le premier volume était un éloge extasié de l'Egypte, qui est pour lui la mère de toute civilisation. Platon le pensait déjà, dans ses écrits sur l'Atlantide. Ici, Diodore consacre son second livre à l'Asie. On distinguera deux tendances dans son exposé mi-historique, mi-géographique : quand il reprend et réécrit les historiens qui l'ont précédé, il nous donne accès à l'histoire ancienne de la Mésopotamie et de l'Inde telle que les Grecs ont pu la connaître depuis l'époque d'Hérodote. Mais plus les distances s'accroissent, plus la poésie s'empare du texte : les passages sur les Amazones, sur l'île bienheureuse de Ceylan (ou Sumatra ?) ou encore sur les Hyperboréens, recyclent mythes et légendes en circulation à cette époque. Ces passages font bien sentir la parenté entre l'écriture de l'histoire visant l'instruction et l'écriture littéraire vouée au plaisir. Même les chapitres plus historiques consacrés à Sémiramis ou aux rois indiens baignent dans une atmosphère de légende et d'épopée. Nul doute que les auteurs disparus que Diodore reprend et sauve de l'oubli (Ctésias, Mégasthène, et d'autres compagnons d'Alexandre ou de Séleucos qui prirent la plume) portaient sur cet Orient le même regard ébloui.

On peut lire Diodore dans une autre édition des Belles-Lettres entièrement en français. Celle que j'ai lue, bilingue, présente le double avantage de donner aussi le texte grec, et d'être très abondamment annotée, expliquée et justifiée. Elle prend le lecteur par la main pour le guider dans cet univers mental qui lui est fort étranger, et l'initier aux débats modernes que le texte de Diodore a suscités. J'ajoute que ces notes abondantes ne nuisent en rien au plaisir de la lecture. Au contraire, elles l'accroissent, et donnent au livre une profondeur historique que nous risquerions d'ignorer : en particulier, je pense aux effets de la conquête d'Alexandre, qui élargit brusquement au monde entier les perspectives des Grecs, et donc leur pensée et leur littérature (déjà affectées par la présence perse à l'époque classique). Cela ne va pas de soi et une édition savante est nécessaire.
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