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Critique de SPQR


Voilà un livre que j'ai dévoré comme Mertvecgorod dévore ses habitants : avec un appétit insatiable et un goût certain pour la noirceur. Inutile de rappeler ici de quoi parlent ces dizaines de chroniques, puisque c'est précisé en haut de cette fiche, et encore mieux expliqué dans les critiques des lecteurs.

Ce qui m'intéresse, et que j'ai peut-être encore du mal à appréhender, c'est le talent de Christophe Siébert à bâtir une cité qui s'effondre sans cesse - à commencer par ce terrible attentat qui en engloutit une bonne partie au début du livre, un épisode rejoué dans plusieurs chroniques. Plutôt que de proposer un bloc unique, l'auteur nous invite à découvrir Mertvecgorod par paliers ou strates ; une construction qui permet de « novelliser » un roman dans lequel plusieurs narrateurs s'expriment et se croisent (même s'il est vraisemblablement un recueil de textes disparates). Ca se lit donc tout seul.

Et pourtant, l'ouvrage n'en est pas moins dense, bien au contraire. Anticipation, SF et horreur sont convoqués pour décrire un monde qui n'en finit pas de mourir et de faire mourir, remuant des thèmes politiques, sociologiques, technologiques et surtout profondément humains. J'ai même eu l'impression par moment que Christophe Siébert se positionnait plus en observateur qu'en créateur de cette République, avec toujours en miroir un monde contemporain qui a déjà largement de quoi effrayer. En ce sens, et contrairement à ce qui est dit dans certaines critiques ici, Images de la fin du monde n'est pas foncièrement plus glauque ou horrible qu'un bulletin d'informations bien réel daté de 2021.

D'autant que si le ton est direct, il n'est ni malsain ni cruel, et l'espoir est parfois même bien là (voir la dernière chronique et ce jeune couple décidé à partir). Car s'il y a un salut à Mertvecgorod, il se trouve soit dans la transcendance (changement de paradigme personnel pour trouver un sens), soit dans la fuite (se sortir physiquement de ce contexte – mais pour trouver quoi ailleurs ?). de ce point de vue, le choix d'une République d'ex-URSS semble particulièrement approprié, tant cette région est à la fois proche de nous géographiquement, mais apparaît aussi largement mystérieuse et méconnue en Europe occidentale.

Dernier aspect que j'ai particulièrement apprécié dans ce livre : les références, voire même la concordance, à un style musical qui m'est cher : le black metal. Souvent mal compris et mal utilisé par les littérateurs, il trouve dans la mélasse de Mertvecgorod une place naturelle (comme la musique de Noir Boy George du reste, également mentionnée). de fait, les pays de l'ex-URSS ont donné naissance entre les années 1990 et aujourd'hui à des centaines de groupes de ce style, dont certains des plus extrêmes. Images de la fin du monde m'évoque une transcription littéraire de cette musique sombre et sale à souhait, et pourtant pas dénuée d'une forme de pureté et de beauté. Une union des opposés qui correspond à mon sens au propos de ce livre finalement assez baudelairien (en plus d'être dickien et ballardien) : la beauté dans la crasse, la transcendance les pieds dans la merde, le spirituel à l'épreuve du néolibéralisme. Et l'espoir à l'épreuve de la mort.

Le paradoxe comme modus operandi, seule arme pour avaler la pilule du monde moderne ? Bref, c'est à lire, et surtout par les âmes les plus sensibles !
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