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Critique de Lenocherdeslivres


Mertvecgorod. Est-il encore besoin de présenter cette ville infernale à ceux qui me suivent sur ce blog ? Quelques détails : Mertvecgorod est née dans l'esprit de Christophe Siébert, un écrivain français qui aime se promener dans les bordures de notre société. Dans ce qui est caché, rejeté. Ce qui paraît sale, répugnant, interdit. Et il explore ces facettes sombres de notre humanité. Avec Mertvecgorod, il a trouvé un terrain idéal d'exploration !

Commençons par mon étonnement à la découverte de ce titre chez Mu (label des éditions Mnémos), alors que les précédents titres de cette série sont parus chez Au diable vauvert : Images de la fin du monde, Feminicid et Valentina. Sans oublier une nouvelle dans l'anthologie des Imaginales 2023 (passée cette année, justement, des éditions Mnémos à celles d'Au diable vauvert), le Futur de la cité. Mes interrogations ont rapidement trouvé leur réponse dans la préface très éclairante de Marion Mazauric, fondatrice et dirigeante des éditions Au diable vauvert. Pour résumer, le projet de Christophe Siébert est tellement gigantesque qu'une seule maison d'édition n'y suffit pas. Il faut en associer plusieurs pour apaiser la soif d'écrire de l'auteur. D'ailleurs, il a également fait paraître d'autres récits, hors cycles, ailleurs : Hram chez Gore des Alpes et Vive le feu chez Zone 52. Boulimique… Mais comme j'adore cet univers, je ne vais pas m'en plaindre.

Volna inaugure un nouveau cycle, Black-out, qui racontera les évènements survenus entre 2029 (année du black-out, logique) et 2050. Mertvecgorod vivotait, baignant dans sa pollution et sa corruption endémiques, quand les autorités ont décidé de fermer toutes les frontières du jour au lendemain. Façon mur de Berlin. L'économie de la ville s'en est trouvée bouleversée et les habitants ont dû prendre de nouvelles habitudes. Ici, on se rince la bouche, lors du lavage de dents, à la vodka, car elle coûte moins cher que l'eau. D'ailleurs, on se lave un jour sur deux. Les odeurs corporelles fleurissent, aigres, tenaces. L'ambiance générale est donc à la survie. Les quartiers sont tous verrouillés, les check-points fleurissant à chaque limite. Ici dominent les plus puissants, les plus forts. Chaque personne possédant un minimum de pouvoir l'utilise pour asservir l'autre, obtenir de lui ou d'elle quelque chose, l'humilier. Les pulsions les plus profondes, les tendances animales sont portées à leur paroxysme. Vous devez passer une « frontière » entre deux kvartali, vous savez qu'il vous faut avoir de la chance : si les soldats qui la gardent sont de mauvaise humeur ou tout simplement vicieux à l'excès, vous risquez de perdre du temps. Ou votre liberté. Voire votre vie.

Catherina est une de ces forçats. Elle effectue un travail abrutissant qui consiste à surveiller d'autres travailleurs. Elle-même est surveillée en permanence. La Stasi n'aurait pas fait mieux. Elle tient par habitude et grâce à l'oubli offert par les drogues. Elle va héberger Roman, un ami qui s'est fait virer de chez lui par sa femme parce qu'il avait fréquenté une boite gay. Ce dernier n'a qu'un but, à part se défoncer du matin au soir : voir encore sa fille. Épave qui se traîne du canapé à son travail où il garde son poste par miracle, il vit, lui aussi, par habitude. Leur existence est bouleversée par la découverte d'un capucin, un singe qui traînait sur un parking. Il s'agit d'un animal de compagnie asservi par une technologie nouvelle. On peut l'éteindre à volonté. Et le transformer en espion. Tout ce qu'il enregistre est stocké sur une carte SIM.

Il est facile d'imaginer que cette carte renferme des secrets inavouables. D'autant que la dépravation est monnaie courante à Mertvecgorod. Certains passages des autres récits de cette ville montrent des actes d'une cruauté inimaginable où ce qui compte pour certains, c'est le pouvoir qu'ils ont sur les autres (ici, ils sont juste effleurés, mais n'en restent pas moins marquants). Et tout est permis, de la torture la plus violente à la pédophilie la plus abominable. Les interdits habituels de nos sociétés modernes volent en éclats dans cette cité où la force, l'argent et la corruption règnent en maitre.

Catherina et Roman vont donc devenir des cibles qu'il faut traquer et éliminer. Afin de récupérer la carte. Et les forces intéressées par cet objet et ce qu'il contient sont nombreuses. Et armées. Et violentes. Et sans scrupule. Je pense au groupe composé d'Anton, Sasha et Adam. Chacun a sa spécialité. Chacun son vice. L'un n'aime rien tant que donner des claques, mécaniquement, sans émotion apparente. Un autre ne s'éclate que dans la destruction de tous les objets qui composent le quotidien de ses victimes : quand il entre dans leur appartement, il ne peut en sortir avant d'avoir tout brisé, tout réduit en miettes. Histoire de montrer qu'il ne leur reste plus rien, qu'ils n'ont rien pour se réfugier. Et ce trio n'est donc pas le seul groupe à la poursuite de la carte. Les collisions vont être violentes, brutales, meurtrières.

Ce nouveau cycle propose, pour débuter, une oeuvre plus linéaire que les précédentes, mais au découpage plus mordant, plus rythmé. On ne trouve pas la variété de textes du Cycle des chroniques de Mertvecgorod (extraits de journaux, analyses de collectes de données, chronologies) qui en faisait leur originalité. Mais l'action se déroule, rapide et froide, devant nos yeux. Et c'est bon : Volna se lit rapidement, comme un coup acide dans le visage. Je suis décidément toujours addict. Encore, encore, ENCORE !
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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