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Critique de afriqueah




Chef d'oeuvre, chef d'oeuvre.

D'abord par la manière d'épouser le fonctionnement de la pensée, avec ce qui est vécu, au présent, ce qui dans ce présent rappelle le passé, et ce qui, toujours à partir du présent, est projeté, ou mieux dit fantasmé, du futur. Les personnes, leurs parents, leur origine, le pourquoi ils sont comme ils sont.
Ferdinand Graux est l'exemple vivant de ce que doit être un homme pour une femme, Yette, qu'il rencontre accompagnée de son mari alcoolique. Elle ne cesse de lui poser des questions, d'un ton aigu, de le donner en exemple au pauvre mari qui boit encore plus, elle cherche à comprendre ce qui va lui arriver lorsqu'ils débarqueront au Congo, mais, dès le départ, commence « à se plaindre de tout, de la nourriture, de la boisson et surtout de ce que les domestiques nubiens ne comprissent pas un mot de français. ».
Anglais, Belges et Français se côtoient dans ce village au Nord Est du Congo, où Ferdinand , pour qui c'est sa terre, car il ne vit pas là par hasard, ou en touriste exploite du café. « Il n'était pas en voyage, ni même en résidence en Afrique. Il y était chez lui ».
Et elle, la parisienne, elle se déclare cash, en fait elle est super mal éduquée et, plus grave, inapte à vivre dans les tropiques.
Ferdinand attend la visite d' Emilienne, ils vont se marier bientôt et durant ce temps, elle sait que Bilagi, la jolie négresse, fait la cuisine et partage le lit de son futur.
Tout est clair, elle sait.
Le troisième couple est plus difficile à cerner : Lady Makinson, richissime anglaise et le capitaine Philps, dont l'avion privé a échoué sur les terres de Ferdinand.
Sans gêne, la Lady s'empare de la chambre de Ferdinand, le somme de s'asseoir, lui impose le saccage d'une bonne partie de ses terres pour faire redémarrer leur avion.
Puis, s'enfuit.
Ferdinand le silencieux, le solitaire, celui que nous avons appris à aimer, est possédé par une fièvre qui s'apparente plus à la malaria qu'à l'amour.
Pourquoi est-ce un chef d'oeuvre ? Par la subtilité de la psychologie de chacun. Parfois, il vaut mieux installer des non-dits, parfois on pense ne rien désirer et on désire, parfois la quiétude est plus importante que toute forme d'attachement, parfois il vaut mieux savoir, d'autres fois , mieux vaut essayer de ne pas comprendre, parfois il est tout à fait difficile de dire si l'on est heureux ou malheureux, parfois une heure « de corps à corps moite»est oublié dans l'heure, parfois il vous oblige à des actes insensés, parfois l'absence de jalousie révèle l'indifférence, parfois elle révèle l'acceptation inconditionnelle, sans grands discours enflammés, parfois l'amour que l'on croit ressentir n'est que théorique, parfois pleurer est une manière d'évacuer l'amertume. Parfois.
Avec pour trame l'Afrique Centrale, sa chaleur, ses maladies, l'impossibilité pour certains de pouvoir s'y adapter, le bonheur lorsque l'on s'y sent chez soi.
L'histoire importe peu, bien que, avec son si connu génie de l'intrigue, Simenon nous accroche à son récit, où chaque personnage est décrit dans sa vérité.
Chef d'oeuvre.
( la couverture de mon livre folio policier est une photographie de Maurice Ascani, basé à Niamey, et reproduisant ces petits bonhommes africains avec casque colonial, cravate et complet veston, satiriques statues en bois )
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