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Critique de karmax211


Retour à l'un des 117 " romans durs " de Georges Simenon, - Trois chambres à Manhattan -.
Cette errance urbaine, cette histoire d'amour, ce drame de la solitude avai(en)t été convoité(s) pour le cinéma par des " pointures " comme Renoir, Ophüls, Melville, c'est finalement Carné qui rafla la mise... avec le duo Ronet-Girardot, un rôle qui valut à la comédienne un prix d'interprétation au festival de Venise.
Si vous n'avez pas vu le film, je le considère comme et loin du roman et très loin du talent de Carné.

À New York, à trois heures du matin François Combe n'arrive pas à trouver le sommeil dans sa chambre minable ( chambre 1 ).
Il sort dans la nuit d'octobre, déambule seul et finit par rentrer dans un bar.
Sans y prêter attention, il s'assoit au comptoir près d'une jeune femme seule.
Celle-ci l'apostrophe en français.
Ils boivent beaucoup, fument beaucoup, parlent peu.
Puis ils sortent et poursuivent leur errance faite de marche et de bars.
Au petit matin, la jeune femme qui se prénomme Kay n'a pas de chambre où dormir.
François en loue une au Lotus hotel ( Chambre 2 ), un établissement sans autre luxe que celui de pouvoir y trouver un lit.
Ils prennent possession de la chambre, boivent encore avant de s'étreindre et de s'endormir jusqu'au soir.
Ils ressortent, sans avoir rendu la chambre, et reprennent leur urban trip fait de bars, d'alcool, de tabac, d'une chanson que Kay fait passer en boucle et qui va devenir " leur " chanson.
Ces deux solitaires commencent à s'apprivoiser.
Kay se livre.
Elle va avoir trente-trois ans. Autrichienne, elle a été mariée à un ambassadeur hongrois fortuné, le conte Larski qu'elle a quitté lui et leur fille pour un gigolo.
D'aventures en aventures, Kay s'est retrouvée sans ressources à New York, vivant de petits boulots et cohabitant à Manhattan ( chambre 3 ) avec Jessie, femme adultérine que son mari apprenant son infortune est venue rechercher, prenant les clés de l'appartement et mettant Kay à la rue.
François qui s'attache à la jeune femme, qu'il ne trouve ni belle ni séduisante, s'éprend d'elle et les confidences qu'elle lui fait suscitent sa jalousie.
Deuxième et dernière nuit à l'hôtel.
Ne pouvant se résoudre à quitter Kay, il l'installe chez lui... et à son tour se livre.
Il va avoir quarante-huit ans.
Comédien célèbre en France, il a fui son pays après un scandale qui a fait de lui un cocu notoire, que sa femme comédienne plus célèbre encore que son mari, a plaqué pour un jeune comédien de vingt ans.
Il vit depuis six mois à New York, interprétant des rôles sans intérêt dans des pièces de théâtre qui ne restent jamais plus de deux ou trois semaines à l'affiche ou bien travaillant épisodiquement pour la radio.
Kay tombe amoureuse de François et essaie de le rendre heureux.
Mais lui doute... de lui, d'elle...
Sa jalousie à l'égard de sa maîtresse et de son passé le pousse à la violence.
Kay ne renonce pas.
François prend peu à peu confiance.
Mais un télégramme informe Kay que sa fille est gravement malade à Mexico.
Elle doit partir mais jure qu'elle lui reviendra.
François retrouve sa solitude... et ses doutes...

J'aime beaucoup en général les "romans durs" de Simenon.
Encore une fois, celui-là a fait mouche.
Ces déambulations dans les rues de New York, ce noctambulisme de ce que Souchon qualifierait "d'ultra-moderne solitude", se conjuguent parfaitement avec la psyché complexe, tortueuse... pour ne pas dire torturée de François.
Une errance urbaine que l'on suit pas à pas.
Une plongée psychologique dans deux âmes soeurs qui se cherchent... d'une réelle acuité.
Et s'il n'y a ni cadavre, ni assassin, il y a du suspense... celui dont seule la vie à la vraie recette.
L'emploi de la troisième personne du singulier permet au lecteur de suivre le narrateur qu'est François dans une espèce de non maîtrise des évènements qui renforce l'apparente impuissance du protagoniste à intervenir de manière efficiente sur le cours de sa vie tout en percevant la souffrance et les démons qui l'habitent.
Les deux derniers petits chapitres sont une vraie réussite romanesque.
Du très, très bon Simenon.

" À la longue, cette marche silencieuse dans la nuit prenait les allures solennelles d'une marche nuptiale et ils s'en rendaient si bien compte tous les deux qu'ils se serraient davantage l'un contre l'autre, non plus comme des amants, mais comme deux êtres qui auraient erré longtemps dans la solitude et qui auraient obtenu enfin la grâce inespérée d'un contact humain.
Ils n'étaient presque plus un homme et une femme. Ils étaient deux êtres, deux êtres qui avaient besoin l'un de l'autre."
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