Citations sur Témoins de l'homme. Proust - Gide - Valéry - Claudel - Mo.. (8)
Sans trop simplifier les choses , il semble que l' on puisse distinguer trois
dispositions psychologiques du lecteur ; plus simplement , trois façons de lire.
A/ La première est d'y chercher une diversion de la vie : on prend un livre, le
soir, quand on est fatigué d' une journée de travail , pour y trouver un agrément de l' imagination , une pente facile de l' intelligence vers des objets
qui l' amusent , vers des problèmes artificiels propres à le détourner des
questions concrètes que lui posent durement le travail professionnel,
l' action sociale ou la méditation morale ..etc.
B/ Une seconde façon de lire, analogue à la première, mais plus raffinée, est de demander à l' oeuvre littéraire une pure jouissance esthétique : par
conséquent , encore , une diversion de la vie, mais à un niveau plus relevé ,
où le plaisir est de goûter une belle musique de la phrase , de subtiles
consonances d' images , un ordre parfait de la pensée , quelles que soient
d' ailleurs la signification morale ou la tendance spirituelle des textes .
Ainsi lit le dilettante, le fin lettré, et de préférence dans de beaux volumes
, dont il caresse amoureusement les reliures de plein cuir et dont il collec-
-tionne les éditions de prix .
C/ La troisième façon de lire : celle qui met devant l' oeuvre comme devant une expression singulièrement réfléchie et parlante des mouvements de la conscience humaine et des questions que nous pouvons
manquer de poser , quand nous voulons trouver des raisons de vivre et un
style moral .
Soleil ! Soleil ! Faute éclatante !
Toi qui masques la mort , Soleil,
Sous l' azur et l' or d' une tente
Où les fleurs tiennent leur conseil ;
Par d' impénétrables délices ,
Toi , le fier de mes complices
Et de mes pièges le plus haut ,
Tu gardes les cœurs de connaître
Que l' Univers n' est qu' un défaut
Dans la pureté du Non-Etre !
En descendant plus avant dans la douleur, on atteint au mystère, à l’essence..Les œuvres, comme dans les puits
artésiens, montent d' autant plus haut que la souffrance à
plus profondément creusé le cœur .
Tout existant naît sans raison, se prolonge par faiblesse et meurt par
rencontre .
Nous désirions passionnément qu' il ait une autre vie , où nous serions
pareils à ce que nous sommes ici-bas . Mais nous ne réfléchissons pas que ,
même sans attendre cette vie , dans celle-ci , au bout de quelques années ,
nous sommes infidèles à ce que nous avons été , à ce que nous voulons
rester immortellement .
La Peste est la réussite la plus incontestable de Camus jusqu' à ce jour, et cette oeuvre riche est, somme toute, une oeuvre claire . Sévère aussi et toute virile : nulle part
l' absence presque complète de la femme n' est plus frappante que dans ce drame d' une ville séparée du monde
et livrée au fléau .
Ma vie m' apparut , m' offrant une succession de périodes dans lesquelles ,
après un certain intervalle , rien de ce qui soutenait la précédente ne subsistait plus dans celle qui la suivait , comme quelque chose de dépourvu du support d' un moi individuel , identique et permanent .
La Condition humaine dans la littérature française du XXe Siècle : le titre
général qui recouvrait cette série de conférences et les sous-titres qui annon-
-çaient chacune d' elle indiquaient déjà le choix d' une attitude devant l'oeuvre
littéraire.