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Critique de gerardmuller


Keila la Rouge
Isaac Bashevis Singer (1904-1991)
Prix Nobel 1978
Mazel tov ! ! מזל טוב
Nous sommes en 1911 en Pologne, le pays vivant sous la férule russe. Keila Leah Kupermintz alias Keila la Rouge en raison de sa chevelure flamboyante, est une prostituée célèbre de la rue Krochmalna à Varsovie: elle a toujours eu un talent inégalable avec les hommes ! Elle a vingt-neuf ans. Elle est petite, la poitrine haute, la taille mince, les chevilles fines. Elle est belle. Elle a épousé il y deux ans Yarmy alias Jeremiah Eliezer Holtzman, alias la Teigne, un de ses clients au passé trouble ; elle a décidé de se ranger et de devenir une bonne fille juive loin des tentations peccamineuses, telle une rebbetzin (femme du rabbin) respectant toutes les coutumes et les fêtes, que ce soit Rosh Hashanah, Yom Kippour ou Souccoth. Souvent elle remercie Dieu de lui avoir envoyé Yarmy pour la sortir de la fange.
Keila est une femme qui se pose des questions simples : puisque le Dieu des Juifs est le seul vrai Dieu selon la Loi, comment peut-il autoriser les Gentils (les Chrétiens) à vivre, se marier et manger du porc ? Elle a longtemps vécu dans le péché ne craignant pas alors la géhenne, mais n'a jamais oublié les coutumes juives et respecte le Talmud c'est à dire la Loi orale (Mishna et Guemara ), le shabbat et le cacherout, c'est à dire l'ensemble des préceptes diététiques du judaïsme. Dès l'âge de douze ans elle fréquenta les voyous. le mariage avec Yarmy fut le moment le plus excitant de sa vie.
La relation au début entre Keila et Yarmy est assez libertaire : s'ils découchent l'un ou l'autre, il n'y a pas de dispute à la condition de tout raconter ; leur pacte consiste à ne pas avoir de secret l'un pour l'autre.
Yarmy a trente-deux ans, une grande silhouette juvénile, et compte déjà quatre séjours en prison pour vol et traite des blanches. Il a parfois un comportement de hassid (au sens figuré « idéaliste rêveur ») et les menaces de rupture entre lui et Keila deviennent fréquentes car il ne respecte pas les serments ni le pacte. Elle a le sentiment que Yarmy n'est plus son mari mais plutôt un souteneur pressé de la caser. La suite va lui donner raison.
Survient dans leur vie un vieux compagnon de cellule de Yarmy, Max le Boiteux, qui leur propose d'ouvrir des maisons de passe à l'étranger, en Amérique du Sud, et de former un ménage à trois. Yarmy accepte aussitôt « qu'ils deviennent tous les trois frères et soeurs, maris et femme, une seule âme et un seul corps. » Max a déjà beaucoup bourlingué et connaît plusieurs pays de ce continent. Il parle cinq langues. Il a toujours sur lui un révolver et trois passeports ! C'est un personnage composite capable de violer la femme de son ami (avec peut-être le consentement de celui-ci ?) et d'avoir des visées homosexuelles sur Yarmy depuis leur séjour commun en prison! Cette idée passe par un autre projet, celui de Yarmy de s'accaparer la fortune du vieux Serguéi Davidovitch. Keila est l'appât à vendre. Un testament est extorqué devant témoins soudoyés et l'affaire semble bien engagée.
L'histoire du ménage à trois effraie Keila qui va demander conseil au rabbin Ménahem Mendel. C'est alors de son fils Bunem qu'elle s'amourache follement, un garçon de vingt cinq ans qui s'adonne à la sculpture et la peinture tout en lisant des livres philosophiques défendus. Mais Bunem aime une autre fille, une certaine Solcha et l'avoue à Keila qu'il aime aussi.
L'affaire montée par Max pour s'accaparer la fortune de Davidovitch a tourné court. Max est alors en pleine dépression et Yarmy recherche partout Keila qui s'est enfuie. Tout le beau plan de Max s'écroule et chacun est parti de son côté.
Bunem est recherché par la police après que Solcha a été arrêtée en raison de ses menées anarchistes. Il se cache avec Keila qu'il a retrouvée et décide de partir pour l'Amérique. Seulement, Keila n'est pas divorcée et lui s'est engagé avec Solcha.
Malgré toutes les difficultés, les deux amants parviennent à New York. La vie est dure, le travail difficile à trouver, Bunem donne des cours et Keila est servante et vend des bagels (petits pains ronds). Ils connaissent la faim et le froid. Jusqu'au jour où Bunem, à l'insu de Keila, reçoit une lettre de la mère de Solcha. En vérité, il n'a jamais oublié Solcha. Et puis un beau matin Max vient frapper à la porte de Keila. Yarmy est aussi à New York.
L'amour entre les deux exilés résistera-t-il à cette conjoncture adverse ? Keila au grand coeur pourra-t-elle surmonter ses actes trop spontanés, effulgents et souvent irréfléchis et hystériques ?
Un très grand roman yiddish inédit dans lequel l'auteur évoque avec talent la rue Krochmalna, les synagogues et les bordels et nous plonge dans le monde disparu de la culture yiddish, riche de couleurs à l'époque. Et puis il y a le personnage fascinant de Keila tournée vers la rédemption et dont la personnalité séduit par sa générosité et sa bienveillance, elle la fille dépravée qui a passé son adolescence dans la fange aux mains des souteneurs et qu'un destin implacable et tragique poursuit. Les autres personnages sont hauts en couleurs avec leurs contradictions et leur vitalité sexuelle. Et l'amour fou est dans tous les chapitres !
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