Visions, tome 3 : Boule de cristal

Je ne le sais pas!!Hé hé

Dominic se tenait à côté d’elle. Mi-homme à tout faire, mi-apprenti, Dominic demeurait un mystère pour moi. Il semblait plus vieux que moi de quelques années, mais il n’allait pas à l’école et il ne parlait pas de son passé. Tout ce que je savais, c’était que sa mère était morte, qu’il avait souffert des abus d’un oncle cruel et qu’il avait une connexion inhabituelle avec les animaux.Comme d’habitude, ses cheveux châtain clair ondulaient à leur gré, et il portait un jean usé et des bottes de cowboy. Il se penchait vers Nona d’une façon protectrice, mais, quand il se tourna vers moi, son regard bleu durcit comme de la pierre.

— Allez, Sabine, crache le morceau ! dit Penny-Love pendant que les pom-pom girls se pressaient plus près de moi autour de la table. Comment était ton grand week-end ? Josh a-t-il aimé tes parents ? Et eux, ont-ils aimé Josh ? Êtes-vous allés en douce dans ton ancienne chambre, toi et lui ?

Tout le monde rigolait, et je rougis. Quand Penny-Love m’avait invitée à me joindre à elle et à quelques autres pom-pom girls chez Pepper’s Pizza après l’école, je pensais qu’elles allaient discuter de leurs projets pour la kermesse du Club des champions. J’ignorais que ma vie amoureuse serait au menu. Fiez-vous à la reine des potins pour transformer la fête d’anniversaire de mes sœurs jumelles en une partie de plaisir déchaînée.

— Non, répondis-je fermement, Josh n’a pas vu ma chambre.

Je lui expliquai que la boule de cristal ensorcelée était un cadeau d'un membre éloigné de ma famille qui l'avait conservée dans son grenier pendant des décennies ; je lui racontai que Nona avait qualifié l'objet de ''chose ensorcelée'' et qu'elle avait paniquée lorsque la boule s'était déplacée toute seule de ma chambre à la cuisine.

Il semblait savoir que je l’observais, et ses lèvres s'incurvèrent. Puis il regarda de nouveau la route et le sourire se mua en grimace d'horreur.
-NON! hurla-t-il.
En un éclair, je vis la vache en travers de la route, les yeux grands ouverts, comme des miroirs. Figée, en plein milieu de notre voie.
-ACCROCHE-TOI! me cria Dominic, écrasant son pied sur le frein, tirant d'un coup sur le volant et zigzagant follement.

-Accroche-toi, entendis-je une voix me demander au dessus de moi.
Des mains chaudes se saisirent doucement de moi, soulevant
ma tête. Je sentis des lèvres chaudes sur les miennes. Soufflant et faisant pénétrer de l'air dans mes poumons.
-Respire, merde!
«Dominic, pensais-je. C'est Dominic.»
Encore une pression sur mes lèvres et une autre sur ma poitrine. La douleur était si intense que je renonçai et commençai à flotter au loin.
-Sabine!
Je vis le visage de Dominic au-dessus du mien.
-Reste avec moi... Je ne te laisserai pas partir.

Il me tint plus fort, le bouche-à-bouche qu'il m'avait administré se transforma en un profond baiser plein de douceur. Il caressait mes cheveux, le geste doux,sans me lâcher. Je m'accrochai à lui, l'embrassant à mon tour, me laissant emporter par un vibrant désir.
Je m'abandonnai à lui, flottant à travers de douces émotions.

Je murmurai son nom, alors que d'autres sensations prenaient le dessus: le gravier froid qui me piquait, le sol dur sous moi, des coupures sur ma peau et une douleur grandissante dans ma tête. Tout devenait flou et je tremblais. À part la chaleur sur mes lèvres, le reste de mon corps était déchiré par la douleur.

Il y eu le son des sirènes, et je vis des lumières rouges et bleues qui clignotaient. Je pensai avec regret aux lumières étincelantes que j'avais laissées derrière moi; la fête de retour à laquelle je ne m'était pas jointe.
Puis je m'évanouis.

Malgré son qualificatif sinistre, il n’y avait rien de magique à propos de la boule de cristal. Selon la légende, des siècles auparavant, les boules de cristal étaient suspendues aux fenêtres afin d’éloigner le mal provenant des sorcières passant devant la maison. Toute pensée négative était censée être renvoyée à son expéditrice. Bien que je croie aux fantômes et aux esprits, je ne crois pas aux vieilles superstitions.

La voix de Nona avait paru si effrayée, pire que lorsqu’elle avait des pertes de mémoire et qu’elle ne trouvait pas ses clés ou des papiers importants. Malgré sa maladie qui empirait, elle restait toujours positive et confiante. Habituellement, c’était moi qui m’appuyais sur elle. C’était pourquoi son appel paniqué me mettait vraiment les nerfs en boule. Que signifiait son message mystérieux ?

Je dissimulai mon anxiété à mes amies, leur disant que je devais partir parce que ma grand-mère avait besoin de mon aide pour dégivrer le congélateur. C’était une excuse
boiteuse, mais Penny-Love aurait insisté pour m’accompagner s’il s’était agi de toute autre chose que d’une urgence domestique. Je ne voulais pas que la reine des potins soit au courant du côté bizarre de ma vie.

Tout le monde me souriait, et je me sentis privilégiée de faire partie de ce groupe charmant. Je ne voulais pas les décevoir, et j’espérais qu’il accepterait. Manny était un mélange complexe d’ego, d’honnêteté et d’ambition.

Il se nourrissait de son statut de marginal, et il était admiré pour son audace. Il s’était révélé un ami de confiance, et il était l’une des deux seules personnes qui savaient que j’étais voyante.