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Critique de Levant


Jérusalem est la ville bénie entre toutes, pour être un lieu saint au regard des trois religions monothéistes. Elle est maudite entre toutes pour exactement la même raison.

Notre actualité, à nous contemporains du 21ème siècle, nous abreuve des événements dramatiques du conflit israélo-palestinien, masquant les causes réelles du mal au profit du sensationnel. Sans omettre la responsabilité que nous occidentaux avons de la situation actuelle avec les trop fameux accords sikes-Picot en 1916, la déclaration Balfour en 1917 et la création d'un état d'Israël en Palestine en 1948, nous autres, qui avons fort heureusement abandonné toute velléité de croisade, ne pouvons que nous interroger sur la légitimité de l'un ou de l'autre des belligérants à revendiquer la Palestine comme terre d'accueil. Qu'elle fut promise ou conquise.

Les deux peuvent y prétendre mon général serait-on tenté de répondre après la lecture de cet ouvrage de Gilbert Sinoué, même si embrasser la réalité des fondements historiques du problème palestinien en quelques 350 pages serait aussi illusoire que présomptueux. Comptons toutefois sur le talent de Gilbert Sinoué, sa connaissance de cette région, de son histoire et sa géographie, son talent de conteur pour nous donner si ce n'est les clés du problème, en tout état cas une synthèse objective et le goût d'approfondir le sujet.

Pour parvenir à cette objectivité tellement malcommode à ambitionner, il a pris le parti de personnifier et faire parler celle qui depuis sa fondation a tout connu des turpitudes de l'homme quand il se met en butte à son semblable pour faire valoir ses prétentions. Celle-ci, c'est Jérusalem, siège des lieux saints pour toutes ces religions qui chacune revendique le monopole de la vrai foi, taxant les adeptes d'une autre confession d'infidèles.

Toutes trois religions prêchant la tolérance, relevant du même père fondateur : Abraham, vénérant chacune à sa façon le même dieu créateur, ont entre autres traits communs, moins recommandable ceux-là, de ne pas accepter le partage, de ne pas tolérer la contradiction. La ville des trois prophètes a connu tous les outrages, a toujours été l'objet d'incessantes convoitises, a vécu les invasions de tous les horizons au fil des âges, avec leurs lots de carnages. Y compris de la part les Croisés lancés au secours du tombeau du Christ par le bon pape Urbain II lors de son appel à la guerre sainte en 1095 à Clermont.

"Mais il était écrit que mon martyre ne connaîtrait pas de fin", fait dire Gilbert Sinoué à celle dont il a choisi de faire parler les pierres sans cesse érigées en monuments majestueux, vénérés puis bannis et détruits pour céder la place à d'autres, tout autant vénérés par les nouveaux occupants des lieux et tenants d'une autre foi.

1948, l'état d'Israël est créé, avec l'espoir insensé de la communauté internationale de voir les premiers occupants de ce Moyen-Orient tant convoité revenir vivre en harmonie avec ceux qui étaient restés sur place et avaient faite leur cette terre de tous les passages. Seulement voilà, non seulement il n'est pas question de reconnaître un état palestinien, mais en outre le nouvel état créé au lendemain de la seconde guerre mondiale ne cesse de grignoter l'espace vital de ceux qui ont fait de Jérusalem leur troisième lieux saint après La Mecque et Médine.

Et Jérusalem, sous la plume de Gilbert Sinoué de regretter que la ville des trois prophètes, Abraham, Jésus, Mohammad, ne sache être le siège de la coexistence pacifique. On perçoit bien toutefois dans les propos qu'il prête à la ville sainte entre toutes que l'objectivité est quelque peu écornée au sort qui est réservé aux Palestiniens. S'ils ne sont en effet pas les occupants primitifs de cette terre convoitée, ils ont gagné par leur amour ancestral pour celle-ci le droit de la partager à égalité de traitement avec ceux qui y reviennent après des siècles d'errance de par le monde. Car qui peut se revendiquer être propriétaire d'une terre au motif qu'il a adopté la religion de ses premiers occupants. Quand la politique se mêle de foi, la foi y perd son fondement dogmatique et donc sa crédibilité.

Très bel ouvrage qui se garde d'un avenir optimiste pour la sainte Jérusalem et la laisse se morfondre de tant de haine entre les hommes qui n'ont de cesse de lui déclarer leur amour.
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