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Critique de CeCedille


Qui ne se souvient des clichés de femmes tondues à la Libération ? Violence des images, humiliation publique des victimes, traumatisme sans blessure, comme un viol : il fallait punir la « collaboration horizontale » et aussi sans doute venger, selon un rite primitif, l'honneur viril du combattant vaincu et trompé. le roman de Marie Sizun évoque de loin ce sujet, mais pas en historienne, et seulement en creux.

C'est par le regard de l'enfant d'une des ces femmes qui n'ont pas su résister aux charmes ou aux assauts de l'ennemi, que le récit se construit, en même temps que la petite fille grandit et comprend sa situation singulière : fille d'un père indicible et d'une mère tant aimée, mais si étrange. Dans le cocon familial exclusif de cette solitude à deux, la « folie » qui rode autour de la « faute » initiale empoisonne petit à petit les relations mère-fille, explose avec la crise de l'adolescence et la quête du père. La psychose maniacodépressive, enfin nommée, n'est pas exorcisée de ce fait. Avec son redoutable cortège de crises de démence, d'électro-chocs, d'enfermements, elle est plus qu'une maladie. Pour l'enfant, c'est à chaque fois un arrachement, une trahison et la culpabilité d'un lâche soulagement.

Ce qui touche la lecteur, c'est l'épreuve de cette petite fille, si douée pour le bonheur comme pour les études. Tout est remis en cause à chaque rechute de sa mère, dont elle observe les symptômes de manière aigüe. Ce sont les relations familiales, plombées et distendues par le lourd secret que l'enfant découvre en grandissant. Ce sont les émois de l'adolescence, insupportables à la mère qui en a payé si cher les conséquences. C'est enfin le regard des autres sur cette maladie, et la compassion exprimée, quelquefois si pesante pour l'enfant.

Le style de l'auteur est singulier : Marie Sizun a choisi la forme d'une chronique à la deuxième personne. L'auteur s'adresse à la petite Marion, mais reste mystérieux. Qui est-il ? D'où parle-t-il ? A quelle occasion ? Pourquoi Marion reste-t-elle silencieuse ? Ce « tu » instaure la proximité d'un dialogue sans réponse et d'une sollicitude impuissante. La phrase est dense, ramassée. Les chapitres sont courts, comme les diapositives des années qui passent. Ils rythment un vrai suspense psychologique, où tout l'art est de dire en si peu de mots une aussi grande douleur, dont le souvenir poursuit longtemps le lecteur, une fois le livre refermé.

http://diacritiques.blogspot.fr/2010/03/la-femme-de-lallemand-marie-sizun.html
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