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Critique de Takalirsa


Un roman addictif autour d'une tragédie familiale.
D'emblée le drame est annoncé, horrible. le roman ne fait ensuite que « remonter le cours des événements » qui y ont mené. On voit comment Louise la super nounou devient indispensable en l'espace de quelques semaines, s'immisçant progressivement dans la vie de famille jusqu'à devenir « une présence intime mais jamais familière ». « Ce n'est jamais clairement dit, ils n'en parlent pas, mais Louise construit patiemment son nid au milieu de l'appartement », encouragée tacitement par des parents soulagés de se décharger sur elle (« Chaque jour, elle abandonne plus de tâches à une Louise reconnaissante »), au point de l'emmener en vacances avec eux ! Car il s'agit bien d'une critique sous-jacente de l'éducation parentale actuelle, consistant à faire des enfants mais sans en occuper vraiment : « C'est le mal du siècle. Tous ces pauvres enfants sont livrés à eux-mêmes, pendant que les deux parents sont dévorés par la même ambition. C'est simple, ils courent tout le temps. Vous savez quelle est la phrase que les parents disent le plus souvent à leurs enfants ? « Dépêche-toi ! ». Ainsi, Louise est « cet ersatz de mère sur qui Myriam se reposait par complaisance, par lâcheté. »

Une situation qui convient très bien à ladite nounou, du moins dans un premier temps. Car c'est bien une existence par procuration que vit Louise, elle qui « se contente de les regarder vivre, d'agir dans l'ombre pour que tout soit parfait ». Cette femme qui vit seule dans un studio sordide et croule sous les dettes de son mari décédé, on la trouve tour à tour touchante et franchement pathétique. On apprend qu'elle, qui a si souvent pris soin des enfants des autres, n'a même pas su s'occuper de sa fille unique. Et puis elle devient vaguement inquiétante, « incrustée dans leur vie si profondément qu'elle semble maintenant impossible à déloger ». Myriam commence à s'agacer, « reproche à Louise ses obsessions, se plaint de sa rigidité ». Les silences et les malentendus s'installent, par lâcheté. C'est une forme d'esclavage moderne, en somme. On s'accommode des petits défauts de la nounou parce qu'on est bien content qu'elle soit à disposition, sans supplément de salaire.

Mais Louise prend conscience de la précarité de son utilité, aussi investie soit-elle : « Avec les années, les enfants oublient tandis que s'effacent le visage et la voix de la nounou à présent disparue ». En témoigne cet essaim multicolore de nounous du monde entier qui se retrouvent chaque jour au square à s'occuper des enfants des autres alors même qu'elles ont dû abandonner les leurs au pays. Aussi indispensable soit-elle, Louise finira par être écartée (il n'y aura pas de petit troisième...) et que lui restera-t-il à part des souvenirs, mais aussi des regrets et des fantasmes jamais réalisés ? Oui, « quelque chose était mort et ce n'était pas seulement la jeunesse ou l'insouciance »...

A la tension succède la détresse (« Elle voudrait lui dire qu'elle est seule, si seule ») puis une haine « qui vient contrarier ses élans serviles et son optimisme enfantin ». Louise n'en peut plus, « rit moins, met moins d'entrain dans les parties », jusqu'à ce qu'une « vague de dégoût, dans la détestation de tout » la submerge. On ne saura pas exactement le déclencheur de son acte (et c'est bien dommage). Une chose est sûre, les torts sont partagés, entre celle qui n'aura pas su, osé, demander de l'aide, et celle qui « au lieu de l'aider, l'a humiliée »...
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