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Critique de isatysjoe


Sollicitée par son éditrice, Leïla Slimani a accepté de passer une nuit solitaire dans le musée de la Punta Della Dogana, consacré à l'art contemporain.

«Être seule dans un lieu dont je ne pourrai pas sortir, où personne ne pourrait entrer. Sans doute est-ce un fantasme de romancier. Nous faisons tous des rêves de cloître où nous serions à la fois les captifs et les geôliers.»

Elle qui connaît la solitude, le silence, dans l'acte d'écrire notamment, se confronte à un autre isolement et s'interroge sur son rapport à l'art, à ces lieux de culture élitistes dont elle n'a pas forcément «saisi tous les codes».

Pourtant elle finit par être gagnée par l'atmosphère des lieux, à se laisser envahir par les émotions, les rêveries, les souvenirs. Cette déambulation nocturne devient l'occasion d'une promenade introspective, d'où vont surgir des réflexions sur la vie, la littérature, l'écriture.

L'enfermement ravive les blessures, elle évoque le souvenir du père, l'injustice, l'absence, ce besoin d'écrire pour réparer, pour se venger, pour se souvenir, même attachée «à ses peines, à ses cauchemars», même si les écrivains sont «des vampires sans foi ni loi». Elle revient sur ses origines, son identité «plurielle et partielle», entre l'Orient et l'Occident, sur la société marocaine où les femmes vivent cloitrées. Ses souvenirs d'enfance, d'adolescence avec ses échappées nocturnes sont réveillés par le parfum du jasmin de nuit qui embaume le musée.

Et toujours, tout au long du récit, reviennent les réflexions sur la création littéraire, le sens de l'écriture.

Loin des fictions que l'on connait d'elle, Leïla Slimani nous entraîne dans un magnifique récit intimiste, jalonné d'une multitude de références artistiques et littéraires inspirantes, où résonnent la voix d'Ahmet Altan et celle de Marilyn. de sa belle écriture, surgissent des mots comme des confidences qui expriment sa force et sa fragilité à la fois. Une nuit sans sommeil pour un voyage intérieur empreint de délicatesse et de mélancolie. Une nuit au musée audacieuse faite de digressions intelligentes et sensibles.

Une lecture très émouvante, qu'on laisse à regret, qui laisse dans son sillage le parfum entêtant et sucré du galant de nuit, cet arbuste dont les petites fleurs n'exhalent leur fragrance qu'à la nuit tombée. N'hésitez pas à vous laisser enfermer à la Punta Della Dogana pour une nuit vénitienne merveilleuse.

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