« Les 101 dalmatiens » est un roman de
Dodie Smith, publié en 1956. Nul besoin d'un résumé, tout le monde a, si ce n'est vu, entendu parlé des dalmatiens, de Cruella et de leurs aventures. Plusieurs fois adapté au cinéma, la firme aux grandes oreilles a su retranscrire cet univers animalier avec une pointe de progressisme, et ce dès le film d'animation de 1961 !
La fidélité à l'oeuvre, à quelques détails près, permet une immersion rapide. La mémoire s'active, le film s'anime et… les premiers froncements de sourcils ponctuent une lecture qui s'avère malheureusement datée.
« Les 101 dalmatiens » est une fiction, une évidence ! Roman qui donne voix aux animaux, notamment domestiques, et qui lève le voile sur les aventures fantasmâmes que peuvent vivre nos compagnons à fourrure, poil, etc. Et pourtant, fiction ne rime pas avec incohérence, une évidence encore !
Alors, ma part d'enfance me fait certainement défaut sur ce coup-là mais j'ai du mal à saisir en quoi les animaux peuvent dénigrer leur nature propre :
« - En avant, lieutenant Wib - euh ! Lieutenant Tillow -, enfin quoi, en avant ! chatte…
- Il ne faut surtout pas me traiter de chatte, dit-elle. Surtout pas !
- Tu as raison. Moi non plus je n'aime pas qu'on me traite comme un chien, dit le colonel. » (p. 114)
Un sentiment contre-balancé par une petite réplique quelques pages plus tôt : « Un chic type, faut croire, dit le colonel. Dommage qu'il ne fasse pas partie des aboyeurs. » (p. 112) L'anthropomorphisme atteint ici ses limites dès qu'il attaque la condition animale à la faveur de la condition humaine.
Un moindre défaut quand, un peu plus loin, la misogynie, le machisme et les clichés éculés sur le genre écornent le récit :
« - Regarde ! Patch est en train d'aider Virgule à trouver une place, dit Missis, ravie. Mais qu'est-ce que ça signifie ? D'où viennent tous les autres petits chiens ?
Bien que mal réveillé, Pongo fit aussitôt appel à son prestigieux cerveau. Et il comprit tout. » (p. 119)
« Pongo lécha l'oreille de son fils. Les petits chiens sont comme les petits garçons, ils n'aiment pas que leurs pères se montrent trop tendres - c'est aux mamans de l'être ! » (p. 134)
« - A nous, mon amour, dit Pongo à Missis. Allons nous rouler dans la suie !
En toute franchise, Missis n'en avait nulle envie. Souiller sa blancheur éclatante si joliment tachetée de noir, qu'elle horreur ! Mais une fois l'opération finie, Pongo déclara :
- le noir te va à ravir, Missis. Tu es plus mince que jamais. Tu es très belle ! » (p. 169)
Je passerai sous silence le « mariage » de Pongo et Missis et plus encore les réflexions de Pongo sur ses envies de bigamie. Là encore, l'anthropomorphisme se casse la gueule dans du sexisme qui ne passe plus à notre époque. Certes l'ouvrage est daté. Il n'empêche que des incohérences transparaissent dans la manière dont l'auteure imagine la société de ces animaux. Cela sans compter les messages véhiculés…
C'est étrange et paradoxal que des oeuvres plus anciennes semblent si modernes et d'actualité là où d'autres sont des sortent de boules à neige hermétique, reflet d'un temps révolu, ou presque.
Une suite existe, intitulée « The Starlight Barkling », publiée en 1967. Au vu de la déception qu'a été ce roman, mieux vaut en rester aux adaptations de Disney.