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Critique de Presence


Ce tome comprend une histoire complète indépendante de toute autre. Il contient les 4 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2007, écrits, dessinés et encrés par Jeff Smith, avec une mise en couleurs réalisée par Steve Hamaker. Il se termine avec un dossier de 32 pages, conçu par Jeff Smith, commençant par une introduction d'une page rédigée par lui, 16 pages d'études graphiques, et le reste de photographies et d'annotations. Ce tome s'ouvre avec une introduction de 2 pages réalisée par Alex Ross disant toute l'importance de ce personnage pour lui, pour lequel il avait réalisé une histoire Shazam! Power of Hope en 2005, avec Paul Dini.

Dans un immeuble à l'abandon, La Green, un petit voyou, pénètre dans un appartement abandonné, squatté par un jeune enfant Billy Batson. Il exige que ce dernier lui donne l'argent qu'il a récupéré auprès d'une personne à la rue. Il survient une panne de courant : Billy en profite pour s'enfuir et rejoindre Talky, le clochard devant son bidon servant de brasero de fortune, dans un terrain vague. Ils partagent une boisson chaude, évoquent l'hiver qui arrive. Billy souhaite rendre la monnaie des courses à Talky qui refuse indiquant que cela correspond à son dédommagement pour avoir fait ses courses. Billy Batson aperçoit une silhouette qui semble les épier. Il se lance à sa poursuite, car l'individu ressemble à son père. Il le suit quand il descend l'escalier qui accède à une station de métro. Il monte dans la rame, car la silhouette paternelle y monte aussi, tout en refusant de lui parler. Au premier arrêt, la silhouette vêtue d'un imperméable noir intime à Billy de descendre.

Billy Btason se retrouve dans une sorte de grotte, en forme de long couloir et le long de la paroi de gauche se trouvent 7 statues, celles des sept péchés capitaux : l'acédie, l'avarice, la colère, l'envie, la gourmandise, la luxure, l'orgueil. 5 statues ont les yeux ouverts. Au bout de ce corridor, se trouve un vieil homme à barbe blanche assis sur un trône de pierre, avec un cube de pierre suspendu au-dessus de lui, un globe terrestre sur pied à droite, un grand tome et un petit feu dans une coupelle à sa gauche. Timide, et même un peu apeuré, Billy Batson s'approche lentement de lui, et le vieil l'interpelle par son nom. Il lui indique qu'il a été choisi pour être le prochain et lui intime de prononcer le mot magique : Shazam ! Impressionné, le garçon finit par s'exécuter et il se retrouve transformé en adulte, et salué par le vieil homme comme étant Marvel. Ensuite, le vieil homme se rassoit sur son trône de pierre en indiquant que son heure est presqu'arrivée de quitter ce plan d'existence.

L'attention du lecteur est attirée par ce projet, à la fois pour l'auteur, à la fois pour le personnage. Jeff Smith s'est fait connaître en créant, écrivant, dessinant et auto-éditant la série tout public Bone (1991-2004) traduite en nombreuses langues. Il a par la suite réalisé une autre série RASL (2008-2012). Il est donc a priori un créateur à même de retranscrire l'innocence et le charme de Captain Marvel. À l'origine, ce personnage a été édité par Fawcett Comics et créé en 1939 par le scénariste Bill Parker et le dessinateur C.C. Beck. Au milieu des années 1940, les comics de Captain Marvel vendaient plus d'exemplaires que ceux de Superman. Puis ses ventes ont chuté et il a été repris par DC Comics sous licence jusqu'en 1991, date à laquelle DC Comics en a racheté les droits. Une relance plutôt fidèle avait été réalisée par Jerry Ordway en 1994 : The Power of Shazam!. Mais entretemps Marvel Comics a interdit aux éditeurs d'utiliser l'appellation Captain Marvel dans le titre (les droits de cette appellation étant détenus par Marvel), contraignant DC à préférer le titre de Shazam !

Pour cette histoire, Jeff Smith a repris le titre d'une des aventures originales les plus longues du personnage. S'il connaît déjà ce Captain Marvel, le lecteur a déjà une bonne idée de l'intrigue. Dans les faits, Jeff Smith a choisi d'écrire une aventure débutant par les origines du personnage, puis le faisant affronter un de ses ennemis emblématiques, avec également la première apparition de Thaddeus Sivana. Il effectue quelques aménagements par rapport aux histoires originelles, mais en conserve aussi les éléments enfantins. Billy Batson se transforme toujours en prononçant le mot magique Shazam, les initiales des dieux qui lui donnent ses pouvoirs : Salomon, Hercule, Atlas, Zeus, Achille, Mercure. 2 personnages emblématiques de la série sont présents : Mary Marvel et Talky Tawny, dans des versions un petit peu modifiées. La force de la narration de Jeff Smith est de présenter tout ça de manière très naturelle, avec une logique de conte qui fait que ces éléments enfantins s'insèrent dans l'ordre logique du récit. Billy Batson éprouve un véritable plaisir sans culpabilité ou remords à disposer de pouvoirs extraordinaires. Mary Batson se montre encore plus enchantée par ses pouvoirs, avec une joie enfantine qui fait plaisir à voir. le sorcier se retrouve vite neutralisé ce qui évite une présence patriarcale caricaturale trop pesante. La nature de Talky Tawny lui confère une réelle légitimité à donner des conseils à Billy.

Le lecteur De Bone retrouve bien le coup de crayon de Jeff Smith : ses dessins descriptifs avec des traits de contour un peu irréguliers, son aisance à transcrire les émotions sur les visages, la vivacité de ses mises en scène. Billy Batson n'est pas Fone Bone : visuellement il est plus marqué par ses conditions de vie, et forcément moins rond. Il porte des vêtements confortables et bon marché, un tout petit peu trop grands pour lui, ce qui renforce l'impression de jeunesse qui se dégage de sa personne. Mary Batson porte des vêtements très similaires. Helen Fidelity, la journaliste télé, porte un tailleur plus habillé, et Sterling Morris porte un complet-veston comme il sied à sa fonction. de la même manière, le lecteur reconnait aisément les tenues des policiers. le dessinateur ne met pas en avant la technologie du temps présent, mais le lecteur peut remarquer des détails qui attestent que le récit se déroule bien au début du vingt-et-unième siècle. Smith se conforme à l'apparence classique des personnages, sans chercher à innover, mais en les représentant avec ses caractéristiques graphiques. Par exemple, Thaddeus Sivana est égal à lui-même, les sept péchés capitaux également. le lecteur se laisse facilement entraîner dans cette histoire avec des vrais gentils et des vrais méchants, d'autant que la narration visuelle est d'une grande fluidité. Jeff Smith n'hésite pas à réaliser régulièrement des pages sans texte pour raconter son histoire, à utiliser les conventions propres aux superhéros, à commencer par l'usage de la force pour régler les problèmes et sauver les innocents.

Même s'il connaît déjà l'histoire, le lecteur retrouve le plaisir de ce métro inattendu, de cette rencontre un vieux monsieur qui semble en savoir beaucoup plus qu'il ne dit, de cette vie de sans abri à la merci de jeunes voyous, de l'effet libérateur de se transformer en un adulte surpuissant, en imposant à tous les autres. Jeff Smith sait conserver intact le plaisir de Billy, introduire des moments d'humour simple et venant du fond du coeur. le lecteur retrouve les sensations de base à la lecture d'un récit de superhéros : le plaisir de la force physique, la gentillesse d'aider les plus faibles, le refus de plier devant les plus forts. Il admire les moments spectaculaires : la galerie des sept péchés capitaux, la première transformation en Captain Marvel, le voyage dans l'espace-temps avec des effets spéciaux remarquables réalisés par Steve Hamaker, l'arrivée des 2 colosses à Central Park, le plaisir sans borne de Mary Marvel en train de voler par elle-même, etc. Il sourit régulièrement devant les mimiques de Captain Marvel, empruntes de la franchise de Billy Batson. Il en vient à retenir sa respiration quand Billy doit faire face aux dangers sans pouvoir se transformer.

Une fois passée la séquence des origines, le scénario se focalise sur les 2 géants étranges apparus à Central Park et promettant de détruire toute civilisation à la surface de la Terre. le scénariste focalise bien sûr son récit sur les hauts faits de Billy Batson, en prenant soin de mettre en avant son courage et sa gentillesse, sans qu'il n'apparaisse jamais naïf ou neuneu. le lecteur adulte peut donc prendre plaisir à ces aventures simples et enjouées, et le lecteur plus jeune trembler avec Billy au fur et à mesure des épreuves à affronter. L'histoire mélange donc l'entrain de l'enfance, avec la volonté de grandir, de devenir un individu adulte grand et fort, tout en montrant que Billy Batson doit quand même surmonter ses peurs, et s'engager pour défendre ses valeurs. le lecteur ressort avec le sourire de cette histoire, ayant (re)découvert ce qui fait toute la spécificité de Captain Marvel, en profitant de l'élégance de la narration visuelle de Jeff Smith. Dans le même temps, il se dit que l'auteur a réussi un hommage de qualité, sans aller jusqu'à sublimer l'original. Il s'agit d'une bonne mise à jour, respectueuse de l'original, permettant à des lecteurs contemporains d'apprécier ce qui rend ce personnage unique, mais sans en proposer une relecture, ou plutôt une interprétation personnelle.
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