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Critique de jcfvc


Cette jeune auteure d'origine jamaicaine et anglaise obtint un succès immédiat pour ce premier roman, écrit à 25 ans seulement. Les droits du livres furent même achetés avant même qu'il soit terminé, à un éditeur ayant lu les cent premières pages seulement lors de la foire du livre à Francfort.t

C'est un roman foisonnant, à l'écriture baroque et flamboyante, s'inscrivant dans la tradition du grand roman anglais, de Fielding aux "Enfants de minuit" de Salman Rushdie, en passant par Dickens, rendant compte de la cociété anglaise en mutation, de ses crises, de la diversité des ses communautés et de son caraxtère multi-ethnique et multi culturel. Un livre cependant très profondément "british" par son humour décapant. et dévastateur, se moquant tout à la fois de la classe moyenne cultivée, des petits blancs racistes de la classe ouvrière, des "racailles" de banlieue totalement ignorantes de leur culture d'origine mais revendiquant cependant des racines qui leur sont totalement étrangères et inconnues. La langue est celle de la rue, totalement baroque et flamboyante elle aussi, un anglais en pleine mutation, sabir de cockney de la classe ouvrière, d'anglais standard de la télé et de la pub et de "pidgin" post-moderne. (petit nègre des banlieues, des minorités jamaicaines et indo pakistanaises) Je serais d'ailleurs curieux de lire ce roman également dans la traduction française pour voir comment cette énergie linguistique, ce mélange des genres et de styles a été adapté par le traducteur.

Les héros en sont un cockney de base inculte et un indien originaire du Bengale, possédant un vernis de culture, attaché à ses racines, voulant pour ses deux fils une éducation de bons musulmans, qui ne pouvant payer deux billets d'avions, envoie, contre l'avis de sa femme, et de son entourage, l'un de ses deux rejetons au Bengale afin de le protéger contre la corruption et les vices occidentaux,. Les deux compères ont fait la 2ème guerre mondiale ensemble, gonflent tout le monde et leur famille en particulier en rabâchant leurs souvenirs militaires pas très glorieux, et pour ce qui concerne le bengali, les exploits (très improbables et contestés) d'un ancêtre qui aurait le premier mené une rebellion contre l'envahisseur anglais. Il sont tous les deux épousé sur le tard des femmes beaucoup plus jeunes et leur ont fait des enfants qui sont à l'image des adolescents actuels issus des minorités : le fils resté en angleterre du Pakistanais est un petit délinquant, leader charismatique d'une petite bande qui sera sensible aux fatwas prononcées par les barbus fondamentalistes de Bradford et ira brûler le livre d'un écrivain ayant "blasphémé" contre l'islam, et qui en profitera pour piller quelques magasins et agresser quelques passants "infidèles". le frère de cette petite frappe néanmoins sympathique, celui qui fut exilé d'autorité par le père vers l'Inde, fait des études de droit. C'est l'intello, la fierté de son père, qui en fait ne sait pas très bien ce qu'il devient là-bas et dont on peut douter, eu égard à sa rationalité et à son désir de modernisation de la société indienne, qu'il devienne ce que son père a imaginé pour lui en l'exilant dans le sous-continent. Je ne puis vous dire ce qu'il devient, étant en train de teminer le bouquin et désireux de toutes façons de ne pas dévoiler la suite afin de vous donner l'envie de découvrir lle destin des personnages par vous-mêmes. Autres personnages savoureux de cette fable sociale, inscrite totalement dans l'histoire et la société actuelle du Royaume Uni, contrairement à une certaine littérature française trop souvent déconnectée du réel, digne du Tom Jones de Fielding ou de Dickens :

- La mère des deux enfants de l'Indien, mariée à cet homme plus vieux qu'elle et ramenée par lui en angleterre, est tout à fait intégrée, apprécie la modernité et le confort de l'occident, est hostile aux véléités fondamentalistes de son époux et cependant attachée à ce que ses enfants ne perdent pas leurs racines.

- Sa nièce, lesbienne totalement impie, menant une vie "honteuse" pour sa tante, qui ne l'excommunie toutefois pas et lui demande souvent son avis pour l'éducation de ses propres enfants et dans la façon de gérer son couple.

- La fille du cokney, de mère jamaicaine, amoureuse du fils délinquant du Bengali et désireuse de s'intégrer, fréquentant assidument la maison d'un couple d'intellectuels d'origine juive mais identifiés comme étant anglais pur sang

Les deux géniteurs de cette descendance bigarrée sont les meilleurs amis du monde, fréquentent le même pub tenu par un pakistanais à l'idéologie plus british-de-base-que-lui-tu-meurs, se bourrent la gueule régulièrement dans ce boui boui en ressassant leurs souvenirs de guerre et en débitant des brèves de comptoir savoureuses avec les autres clients, le pakistanais, faisant rigoler tout le monde avec son ancètre soi-disant anticolonialiste et sa prétention à se purifier et à se comporter dans un avenir incertain comme un bon musulman.

Le roman est vraiment excellent. Il s'inscrit, par son humour dévastateur et son ancrage dans les réalités économiques, culturelles et social de la Grande Bretagne qu'il décrit, dans la tradition du grand roman anglais, aux antipodes d'une littérature française trop souvent déconnectée du monde réel.

Sans dévoiler la fin de l'intrigue, disons, pour faire court et simpliste et si j'ai bien compris le message de cette fable baroque flamboyante :

- que la classe ouvrière britannique est confrontée à une situation inédite, celle d'une immigration de masse qui a transformé en profondeur le Royaume uni, dont les populations bigarrées apprennent malgré tout à répondre avec humour aux défis de l'Histoire (avec un grand H). Archibald Jones, personnage représentatif et plus-typiquement-anglais-que-lui-tu--meurs, n'est pas un raciste de base. Il a épousé une jamaicaine, est resté le meilleur ami de son compagnon d'infortune et de guerre (un Bengali bien intégré mais islamiste sur les bords). Cette classe ouvrière donc, malgré le racisme ordinaire d'une partie de la société, également dénoncé par la romancière, est profondément tolérante.
- Que cette classe ouvrière britannique, bien que n'adhérant pas au fondamentalisme de certains membres des communautés musulmanes dont elle partage l'existence quotidienne, pressent confusément une communauté d'intérets et de destin envers ces "étrangers" qu'elle côtoie dans les quartiers et à l'école, ceci malgré un fond d'intolérance ethnocentriste indélébile.
.- que cette classe ouvrière adhère cependant obscurément, par simple bon sens, aux valeurs rationelles de l'occident, auxquelles elle ne comprend pas grand chose et qu'elle ne pratique pas dans sa vie de tous les jours, lesquelles valeurs ont permis à l'Europe de conquérir le monde mais sont en train de déboucher sur une fuite en avant technologique d'apprentis sorciers risquant de détruire le monde.
- Sur ce dernier point, la dénonciation de la rationalité occidentale qui présenteraitt un danger pour la survie de l'espèce et la suprématie occidentale, je ne suis d'ailleurs pas certain que la romancière adhère aux pulsions anti-scientifiques post-modernes et qu'elle ne se rallie pas, en fin de compte, derrière la bannière de la recherche scientifique, tant est féroce sa charge contre les sectes fondamentalistes islamistes, chrétiennes et anti vivisection - toutes farouches adversaires de la société occidentale et convergeant, malgré le gouffre idélologique qui les séparent et pour des raisons diamétralment opposées, dans une haine aveugle contre : le père, le colonisateur, la chair et la révolution sexuelle.
- Que cette classe ouvrière, ou plutôt ces "masses déracinées par le capitalisme", privées de leur solidarités traditionnelles comme le dirait Arendt bien mieux que moi, semblent prendre fait et cause, à un instant crucial de la narration, contre la rationalité arrogante de l'intelligentsia qui leur promet un futur radieux grâce à la science et au progrès. En fin de compte, ces masses déboussoulées ne parviennent pas à prendre une décision, s'en remettent au hasard, à leur maktoub cockney et se font finalement "baiser" par cette bourgeoisie qu'elles soutiennent malgré tout et en dernière instance contre leurs "intérêts objectifs de classe". Je suis désolé d'avoir recours à une vulgate marxiste assez impropre à rendre compte de la tonalité du livre et de son message socilogique et politique, mais faute d'un meilleur instrument d'analyse à ma disposition, je suis obligé de faire avec...

Voilà, il me reste à vous rappeler que cet excellent roman a été traduit en français sous le titre "Sourire de loup", qu'il est publié en poche dans la collection Folio, et que je vous en recommande vivement la lecture si vous voulez mieux comprendre la société britannique actuelle au-delà des clichés sur le communautarisme à l'anglo-saxonne dont on nous rebat les oreilles ici pour lui opposer l'intégration à la française, vous savez, cette panacée républicaine qui a donné ce que l'on a vu l'hiver dernier dans les cités en flamme de l'hexagone. Ils ont dû bien rigoler les anglais et tous ceux qui en ont marre de recevoir des leçons de démocratie et de progrès social de la part des "frogs", des Frenchies arrogants.......

Lien : http://jcfvc.over-blog.com
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