Au fil des ans, chaque fois qu’il s’était senti faiblir, il avait été tenté par un verre, un joint, ou Dieu lui était témoin, quelque chose d’autrement plus fort pouvant lui décaper la mémoire. Il n’avait jamais eu recours à un quelconque groupe de soutien pour alcooliques ou drogués afin de l’aider à raffermir sa résolution.
La constellation avait été une présence réconfortante depuis son enfance, et l’éventualité de ne jamais la revoir le troublait vaguement. Comme celle de mourir sous ce ciel étranger.
Je ne suis pas sûr que j’appellerais ça un don. Je dirais plutôt une malédiction.
Blondes, nerveuses et botoxées, aussi dépourvues de rides et d’expression que des poupées gonflables, elles étaient responsables de budget dans la publicité et avaient été tirées de leurs bureaux aseptisés de Sandton par un article récent sur ce bar publié dans un magazine qui vantait le glamour du décor crasseux et de la clientèle dissolue, allant même jusqu’à qualifier la nourriture portugaise infecte et noyée dans le piri-piri d’« honnête et authentique ».
Ces femmes, à la recherche d’excitation, s’étaient convaincues que Turner, à qui on avait dit plus d’une fois qu’il ressemblait à un Brad Pitt de bas étage après une soirée de débauche de première, était irrésistible.
Il était fier de son anglais et avait soigneusement gommé les voyelles gutturales qui épaississaient l’élocution de la plupart des Afrikaners.
C’était son talent pour les monologues (il pouvait éructer un chapelet de jurons et de remarques racistes extravagantes tellement saisissant que c’en devenait presque une forme de scat poétique) qui avait attiré le pseudo-écrivain en Turner, même si c’était dans son rôle de dealer à la petite semaine qu’il avait tout d’abord rencontré Bekker un an avant, lui, le petit poisson qui s’était fait pincer lors d’une opération antidrogue avec assez de cocaïne et d’ecstasy planquées sous la selle de sa Kawasaki pour finir en prison.
Le féminisme revenait à nier la féminité et elle méprisait les produits de beauté, les jugeant frivoles. Sa peau bronzée couverte de taches de soleil était parcourue d’un entrelacs de rides et les pores de son nez étaient bouchés par un réseau de points noirs en pointillés, semblables à des points Ben-Day.
Cela faisait très longtemps qu’il n’avait pas été aussi proche de sa femme.
Ils faisaient chambre à part et leur mariage avait dégénéré en une guerre prolongée qui consistait à se balancer des bombes verbales à distance.
Forcé à cette proximité inaccoutumée, il constata que les années n’avaient pas épargné Tanya. Ses cheveux coupés court étaient mouchetés d’un gris qu’il n’avait jamais remarqué avant et elle faisait beaucoup plus que ses quarante-cinq ans.
Cela étant, le lait de la bonté humaine coule dans mes veines aussi fort que dans celles de n’importe qui et j’ai comme l’impression que tu as besoin d’aide.