Une fois par semaine, comme un fuyard, il revient chez ses parents, s’empresse de prendre une douche, s’effondre plus qu’il ne se couche dans sa chambre et dort. Quand il se réveille, les yeux qu’on dirait argentés encore plissés de sommeil, il descend l’escalier toujours sans rien dire. Ses parents, tout en évitant les regards, ne peuvent que l’emmener dans un restaurant pour qu’il mange autant qu’il veut de cette viande de bœuf de Mizusawa qu’il aimait tant, puis le laisser repartir. Pour son père, c’est à la fois humiliant et triste.
Devant une table de jardin, recouverte d'une nappe blanche, le marié et la mariée sont acclamés et applaudit par les parents et amis, près d'eux, puis les habitants des préfabriqués, rassemblés autour, sur plusieurs rangs...
Les jeunes mariés allument ensemble une énorme bougie en forme de cœur puis,sans façon, échangent un baiser.
Tout en pliant les vêtements de Yûsuke et Kenta qui avaient séché, Sayuri jeta un regard dehors et pensa à l'irradiation que subissaient les deux hommes qui s'activaient sans s'inquiéter de rien. Elle se rappela que l'été précédent, Kenta lui avait parlé d'une rumeur qui circulait parmi ses confrères selon laquelle les aiguilles de pins atteindraient cent becquerels. "La quantité de becquerels est ce qu'elle est, mais quand les cheveux poussent on va chez le coiffeur et quand les branches poussent on élague". C'est ainsi que Kenta avait évacué le problème.
En fait, les opérations de décontamination ont un effet d'irradiation sur les ouvriers : c'est bien parce que l'irradiation est dangereuse que les travaux de décontamination sont effectués, mais si on craint l'irradiation, on ne peut pas faire les travaux de décontamination...
Quand il rentre en voiture, après la nuit tombée, une guirlande lumineuse en forme d'arbre installée par le restaurant lui tristement, au milieu des lumières clairsemées provenant des fenêtres des préfabs, renforçant encore l'impression de dénuement. Il ne sait pas combien de personnes qu'on appelle encore des réfugiés habitent là ; l'ensemble est resté un camp amélioré sans jamais devenir comme un nouveau hameau.