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Critique de Sachenka


Alexandre Soljénitsyne, avant qu'il ne devienne le grand auteur russe qu'il est devenu, a passé quelques années au goulag. Cette expérience l'a amené à écrire Une journée dans la vie d'Ivan Denisovitch, oui, mais aussi une autre oeuvre et c'est de ce pavé dont il sera question dans cette critique : L'archipel du goulag. Il ne s'agit pas d'un roman à proprement parler. On n'y suit pas une trame narrative unique. Plutôt, plusieurs histoires individuelles, un long fleuve de témoignanges, d'histoires. C'est l'histoire d'un père, d'un frère, d'un voisin, de n'importe qui. de tout le monde et de personne à la fois. D'une foule anonyme. du peuple russe. Car c'étaient rarement des criminels au sens où nous l'entendons, non. C'étaient des prisonniers politiques pour la plupart, des gens qui étaient jugés ennemis du régime en place, dangereux pour l'ordre communiste établi, c'est-à-dire des intellectuels qui étaient capables de jeter un regard critique sur les actions des dirigeants.

Ce pavé est divisé en plusieurs parties. Dans la première, « l'industrie pénitentiaire », l'auteur explique qui on arrêtait, pourquoi et comment. Il dresse l'état de la situation concernant les bagnes, fait des comparaisons avec l'époque tsariste, mentionne des lois, livre le nombre de victimes, etc. On y retrouve une quantité ahurissante de faits, de chiffres, de statistiques. Un peu long à la longue mais utile, je suppose, pour bien comprendre l'étendu du problème. Visiblement, Soljénitsyne s'est bien documenté. Et, s'il adopte un point de vue subjectif (peut-il en être autrement?), on le lui pardonne.

Étrangement, au début de son récit, je croyais que l'auteur avait été envoyé en Sibérie. Je croyais que c'était là-bas que tous les camps étaient situés. Mais non, de tels camps se trouvaient partout, et le goulag dont il est question ici se trouve au nord-ouest ! C'est en plein de la mer Blanche, sur une des îles de l'archipel Solovki. J'ai trouvé fascinante l'histoire de ces îles. Pas la partie goulag, quoique… Mais non, à la fin du Moyen-Âge, des moines y ont fondé un monastère réputé qui a grandement contribué à l'essor de cette partie de la Russie. Bon, en parralèlle à ma lecture de ce pavé, je me suis documenté sur cette région… Dans tous les cas, je trouve un peu dommage qu'un si beau lieu, avec une si belle histoire, ait été utilisé en tant que goulag, un si laide activité.

Pour revenir à la division du roman, les autres parties sont « le mouvement perpétuel », qui traite parfois long voyage (en train et dans des conditions difficiles) qui mène jusqu'au camp et « l'extermination », qui explique comment on se débarrassait des condamnés. le travail difficile, surhumain qui était exigé n'était parfois pas suffisant. Les gardes devaient se montrer imaginatifs et, surtout, brutaux. Heureusement, l'auteur a su y insérer plusieurs anecdotes qui rendent la lecture moins pénible. Que ce soit le sort réservé aux mouchards, les relations avec les leks (indigènes de l'ile), le quotidien tout simplement.

On continue avec « l'âme et les barbelés » et « le bagne ». Personnellement, je commençais un peu à m'ennuyer. Lire encore et encore sur le sort des pauvres bagnards devenait un peu répétitif, lassant et, surtout, lourd. Tourner les pages et ne découvrir que de nouvelles façons de rendre des gens misérables, ouf ! Toute cette lithanie de faits plus horribles les uns que les autres, qui finissaient par se ressembler ou, du moins, finir au même résultat, peu pour moi. Je n'avais qu'une envie, c'était de crier « Ça va, j'ai compris ! Les prisonniers vivent dans des conditions de vie plus que difficiles ! On passe à autre chose ! » Ceci dit, je n'ai pas pu m'arrêter de lire. Je devais savoir. Tout comme Soljénitsyne devait écrire. Il ne pouvait pas omettre une seule partie de cette pénible expérience.

Les dernières parties, « relégation » et « Staline n'est plus » ont réussi à me réintéresser à cette oeuvre. On y traite de la relocalisation des prisonniers politiques en Sibérie, une pratique historique, qui a contribué au peuplement de cette région de la Russie. Il traitait également de la façon dont la mort du grand dictateur a permis à l'information de mieux circuler. Les goulags, ce n'était qu'une rumeur (certains ont même cru qu'ils avaient été inventés par l'Ouest pour discréditer l'URSS) jusqu'à ce que les témoignages commencent à pleuvoir. Puis les faits et les statistiques ont été dévoilés petit à petit. Un long processus…

Bref, L'archipel du goulag est une brique d'informations d'une précision inouïe sur une page sombre de l'histoire de la Russie/URSS. C'est long, parfois pénible, mais toujours instructif. Quiconque aime l'histoire, ou ce pays ou même le régime soviétique y trouvera son compte.
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