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Critique de chuutjelis40


"Si punir n'est pas glorieux, si la justice ne répare rien, parler et écouter, le minimum requis dans cette enceinte, peuvent être avantageux, estimables (...)".

- EBLOUISSANT! -

Je referme ce livre, dont j'ai dévoré la lecture en une seule petite journée, absolument saisie par l'acuité et la finesse de l'analyse que nous y livre l'autrice, qui a arpenté les prétoires durant une année pour s'imprégner de ces lieux singuliers que constituent les tribunaux pénaux.

La forme du roman préserve du caractère péremptoire de l'opinion, selon l'explication de Joy Sorman dans une interview, et il est vrai que cet exercice d' "arracher le langage à l'enfer des opinions", suivant les mots de Christian Bobin, permet à la fois une mise à distance des scènes et une protéiformité des sentiments qui ne manquent pas de coloniser les coeurs et les consciences des "spectateurs" de la violence ordinaire que constitue inexorablement le procès pénal.

C'est à la faveur du regard d'un homme qui n'est pas particulièrement animé, ni de convictions, ni d'opinions, ni - encore moins - de certitudes, que l'on découvre cette pantomime cathartique, flanquée de solennité désuète et figée, que constitue "un procès", cette saynète grinçante où s'expriment les passions humaines, la médiocrité des raisonnements simplistes, l'atavisme des précarités jamais compensées, jamais réparées, et où tente de s'exercer, dans une parfaite hypocrisie, l 'étiologie judiciaire du "fait pénal" et de la sanction qui doit, au nom de l'Etat et des velléités d'une opinion publique aussi vorace qu'impermanente, le disqualifier.

L'autrice pose la question de la vacuité de cet exercice qui ne s'exerce pas et l'inanité du pseudo syllogisme juridico-judiciaire qui tire d'un fait pénal une peine sensée le châtier, la seconde étant prétendûment proportionnellement calibrée à la gravité du premier. Elle ose interroger le sens et la fonction de la peine d'emprisonnement et, plus fondamentalement, le lien causal qui unirait un individu au crime qu'il a commis, dénonçant la grande absente du débat judiciaire: la dimension collective, autant sociale que sociétale, dans la fabrication de la délinquance.

Le propos n'est pas caricatural; j'eu pourtant préféré, faisant moi-même partie "du système" que je subis bien plus que je ne célèbre. Et ce qui me frappe de façon aussi terrible que dramatique, c'est l'incapacité - collective toujours - à remettre l'ouvrage sur la table, à oser porter le vrai débat sur les vraies questions, questionner les soubassements immémoriaux et l'aveuglement volontaire qui rendent possible la perpétuation - encore et encore - d'une même violence systémique, laquelle produit - encore et encore - de la misère humaine à tous les échelons.

C'est un livre brillant, écrit par une plume subtile qui laisse le lecteur - en apnée durant les 275 pages - à l'intimité de ses réflexions, le privant du confort moral de la délivrance que lui offrirait le postulat simpliste d'une réponse optimiste et définitive.

Saisissant.
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