AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de mh17


Natsume Sôseki (1867-1916) est un écrivain très célèbre quand il prononce ce discours le 25 novembre 1914, dans la prestigieuse Ecole des Pairs, très conservatrice, où se forme l'élite intellectuelle du Japon.

Sôseki commence par raconter, avec son apparente nonchalance et son auto-dérision habituelles, comment son individualisme s'est développé dans son esprit, à travers des anecdotes et des allusions à ses romans bien connus. Il part de sa propre expérience malheureuse d'étudiant d'anglais, ingurgitant des inepties puis de jeune enseignant à la Botchan trimballé de droite à gauche. Il évoque ensuite son séjour forcé et déboussolant en Angleterre. Personne ne lui a appris ce qu'était la littérature mais il était pour la première fois une personne indépendante. Subrepticement on glisse alors du récit autobiographique  au petit traité de morale. Sôseki développe deux idées essentielles : le droit d'avoir un jugement esthétique ou moral autonome et le devoir de laisser les autres en avoir un également. Cela nous semble évident mais au Japon, en 1914, cela ne l'est pas du tout. Dans la tradition japonaise ce sont les autres qui décident ce qui est bon pour vous et quelle sera votre place dans la société. Et l'attitude individualiste qui crée des tensions avec le groupe, la famille, la société ou l'État est réprimée. Sôseki au passage et avec précaution, évoque la censure d'une de ses critiques. L'individualiste qui se passe de l'approbation du groupe est seul, pauvre et isolé dans ce Japon moderne en pleine transition. Pourtant ce n'est qu'a travers l'individualisme que l'homme peut trouver sa voie et développer ses talents uniques, que l'écrivain japonais peut conserver sa capacité contemplative orientale et répondre à la question : qu'est-ce que la littérature ? Dans la dernière partie du discours, Sōseki s'attarde sur l'aspect politique de l'individualisme, sur la responsabilités des hommes de pouvoir et d'argent et également sur la nécessité de maintenir un équilibre entre la Nation et l'individu. L'individualisme doit prévaloir lorsque le pays connaît une phase de stabilité mais il accepte aussi la nécessité de limiter la liberté individuelle et de reconnaître les besoins collectifs de la Nation en temps de guerre ou d'invasion étrangère.

Ce petit livre original et agréable à lire permet d'appréhender la singularité du Japon moderne et donne envie de lire ou relire les romans de Natsume Sôseki.
Commenter  J’apprécie          425



Ont apprécié cette critique (36)voir plus




{* *}