Citations sur Encore vivant (44)
Ce que je dis, c'est qu'il faut tout le temps extraire l'humanité. Il y en a tout le temps, même si elle est loin, brisée, incertaine – mais elle luit à chaque fois, au bout, au fond du fond. Il faut la traquer, la chercher toujours, l'obliger à se dire, à se découvrir. Et ne retenir qu'elle, et la garder comme un trésor, et l'annoncer. Sinon on est de la charogne, de la saloperie, du vautré dans le pourri.
J'avais vingt ans, et j’avais senti dans ma bouche le goût de la vie qui s’en allait.
Allongé sur mon lit, j’entends les cris. Je les sais tous. Et tous les cris de la littérature ne servent à rien pour les dire, les cris d’effroi, de désespoir, de détresse, ceux qui déchirent le silence, tous les longs cris, les cris aigus, les cris stridents, les cris de douleur. Les nôtres tissent une solidarité nocturne de l’horreur, celle de nous être perdus, celle de savoir qu’on ne sera plus.
C'était terrible, d'être passé du côté d'une drôle de barrière dont on n'avait même jamais songé qu'elle existait. La barrière des fous. Celle qui nous séparait des autres, les normaux, eux dont la vie était belle.
Papa m’a appris la monstrueuse indifférence de la nature, des montagnes qui ne se soucient guère des hommes qui passent. Mais je sais que si on entre un peu dans leur génie, alors le dialogue ne cesse jamais plus. On fait corps, on n’est jamais seul.
On avait enterré le papet sur les berges de sa rivière, au pied du Serre-de-Barre. Je n'avais pas du tout compris dans l'église pourquoi le curé avait parlé pendant une heure et demie de Jésus, alors que c'était mon grand-père qu'on mettait au cimetière.
- C'est normal, Chichi. Ils sont complètement cons, les curés, m'avait renseigné papa.
Écris. Vas-y, nom de Dieu. Écris. […] Écris. Ton courage, connard. Ton courage, et tu le sais, et tu en pleures, maintenant, c’est d’écrire la nudité de ce parc d’hôpital. […] Dans la bourrasque qui vient de souffler, tu cherches la tempête qui doit t’emmener vers une autre fable. Tu veux écrire, et tu en trembles. Tu veux écrire ? Dis, ducon ? Tu veux raconter des histoires ? Attends. C’est le moment.
L'urgence, c'est de travailler mieux plutôt que de travailler plus.
Il y a toujours quoi qu’on en dise, ce respect absurde pour les disparus, ça, ça se pose un peu là, comme connerie, tu vois, cette espèce de crainte des morts qui veut qu’on transforme en saints des pourritures.
J'ai appris que l'alcool détruisait la conscience, construisait la violence, flinguait la libido, tuait des mômes sur les routes, tremblait les mains, secouait les bras.