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Critique de soniamanaa


C'était un lundi, le 06 août 1945. Ce jour là, l'Amérique est victorieuse. Elle plastronne, elle jubile. Elle vient de mettre le point final à la seconde guerre mondiale en jetant Hirohito au tapis.
Et quel point final! Flamboyant, incandescent, luminescent. Un feu d'artifice grandiose comme le monde n'en a jamais vu.
Hiroshima. 75000 morts en un battement de paupières, et 70000 autres les jours qui ont suivi. Une ville pulvérisée par un orage qui n'a pas de nom. Ou plutôt si, qui en a même plusieurs. D'abord le "gadget ", puis le "machin", et enfin "Little boy". Les petits gars basés aux Iles Marshall étaient plein d'inventivité pour qualifier cet engin entouré de mystère et de sécurité.
Et tous rêvaient d'en être, ces fiers pilotes, de tenir le manche du B 29 qui ferait d'eux un héros pour la postérité.
Dans le ciel d'Hiroshima, ce jour là, il y en aura plusieurs, de ces forteresses volantes, oiseaux d'acier de quarante mètres d'envergure.
Un seul entrera dans L Histoire, l'Enola Gay.
C'est ici que Sébastien Spitzer fait un pas de côté pour s'attacher à un autre équipage, celui du Major Claude Eatherly. Lui n'a rien largué. Chargé de vérifier la faisabilité de la cible, il a donné le feu vert. Un simple pouce levé, un Ok, un court message qui allait lui coûter son âme.
C'est son histoire que nous raconte l'auteur, entrant par la petite porte d'une vie ordinaire. Claude vient de la campagne, c'est un "bouseux". Mais il a le génie du vol, et la guerre fait de lui ce pilote chevronné, époux d'une femme superbe, père de deux fils qui attendent le retour au foyer du héros.
Héros, il va l'être plus qu'il ne croit. Un héros repentant qui défraiera les médias et agacera l'État-major.
Claude revient hanté. A son retour, c'est la grande débâcle. Il ne gère plus rien, son couple se noie, et il multiplie les séjours en prison et au dispensaire de Waco où les médecins militaires tentent de le faire redevenir l'incarnation de l'Amérique glorieuse.
Claude entend une voix, celle d'Hannae, l'une des 25 vierges d'Hiroshima, dont le visage ravagé et fondu lui serine sans repos les souffrances indicibles de son peuple.
En ce mois d'août 45, Hiroshima n'était peuplée que de femmes, de vieillards et d'enfants. Mais on le sait, dans "l'arithmétique glaciale des chefs d'état-major, les gosses comptent pour rien."
Le destin singulier de Claude Eatherly qui fît de lui l'icône de la repentance, incarne la folie monstrueuse de ces Prométhée ivres de pouvoir qui volent le feu du soleil pour l'abattre sur les hommes.
"C'était une bombe pour rien. C'était juste pour dire aux russes qu'on était les plus forts, avec la plus grosse bombe."
Des milliers de martyrs pour figurer dans le jeu de qui pisse le plus loin...
On peut sans doute s'agacer du choix de l'auteur de coller si près à l'histoire domestique d'Eatherly. C'est pourtant par ce biais qu'à mon sens, l'absurde se dévoile.
D'un côté, la vie ordinaire d'une famille, et de l'autre la grande Histoire, celle qui s'écrit dans les manuels. Cet interstice offre la possibilité de la réflexion, le juste recul.
"Une bombe pour rien", "la bombe de la paix éternelle. "
Le sénateur McCarthy pouvait s'enorgueillir 10 ans plus tard que l'Amérique était la nation la plus forte. Un nouvel équilibre mondial s'est mis en place, inaugurant la guerre froide, et initiant cette appétence outre-Atlantique à jouer les gendarmes du monde...
Un livre qui invite à se souvenir et qui écrit une plaidoirie du "plus jamais ça " que l'actualité tend à oublier...
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