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Critique de michelangelo


Dans son roman de 1995, l'Appât, Sportès relate les faits commis par une jeune femme qui piège des hommes prétendument fortunés pour les détrousser avec ses complices. Tiré également d'un fait divers à retentissement national, Tout, Tout de suite évoque de façon méthodique le calvaire vécu par Ilan Halimi, jeune vendeur juif enlevé, séquestré et torturé pendant trois longues semaines par Yousouf Fofana, délinquant noir musulman et sa clique de petites frappes que les médias, friands de qualificatifs imagés, ont appelés le Gang des Barbares.
Evidemment, le motif antisémite apparaît de suite et a fort justement défrayé la chronique. Pourtant, l'auteur va reprendre le fil du drame et montrer que cet épisode sordide est aussi un signe du malaise de notre société en perte de valeurs.
Les noms des protagonistes ont été changés et la description des évènements ressemble à un roman, mais un roman inspiré de faits bien réels.
Ceux qu'on appelle les barbares sont principalement des jeunes laissés pour compte, sans grande culture, uniquement attirés par l'argent facile et soumis à la vindicte de l'apparence.
A cet égard, s'en prendre à un juif (ils ont choisi Ilan par hasard), ce devait être la certitude de tomber sur une famille fortunée prête à payer une forte rançon sans difficulté. On voit tout de suite que le motif premier n'est pas purement raciste mais est de nature plus complexe, mêlé de préjugés bien installés et de misère intellectuelle.
Ces jeunes veulent tout, tout de suite, sans prendre gare au sens de leurs actes. Ils mélangent réalité et fiction et leur rapport au réel est donc biaisé et fortement compromis. Ils ignorent la différence qui existe entre le bien et le mal, suivent uniquement leurs pulsions et subissent avec délectation leur paresse naturelle. Cette extrême confusion va les mener lentement mais inexorablement vers la pire des barbaries.
Il faut ajouter que leur chef de pacotille, Yousef (alias Yousouf), navigue à vue, et petit capitaine de pédalo sans envergure mais avec un charisme indéniable, il emmène tout son monde vers l'échec et la déchéance la plus totale.
L'écriture de Sportès est fortement teintée de journalisme. Son souci du détail et de la précision est issu de sa longue carrière de journaliste en faits divers, chez Détective en particulier.
Il nous relate point par point une série d'évènements sans pathos et sans parti-pris. Il livre ainsi une étude sociologique brutale, une forme d'autopsie sans complaisance pour une société malade et gangrénée par les démons les plus sordides qui soient.
Il parvient à dépasser le fait divers pour faire état d'une situation sociale qui s'impose à notre réflexion : Comment peut-on en arriver là ? Où commence la démence ? Comment ces individus sont-ils devenus de tels barbares ignorants et cruels ?
On voit un peu de repentir chez certains, une volonté de se dédouaner pour d'autres. Pourtant, les faits restent les faits et nul ne peut vraiment s'en exonérer.
Cet ouvrage n'est pas d'une lecture facile. Il n'est pas d'un abord forcément agréable, même si l'auteur a pris soin d'éloigner la brutalité de cette réalité en invoquant une oeuvre romanesque. Il interroge le lecteur autant que ses personnages. On ne peut que ressentir un malaise, une peur de se retrouver dans la peau d'un voyeur.
Néanmoins, ne doutons pas une seconde qu'il faut en passer par cette exploration méticuleuse de la noirceur de l'âme humaine pour appréhender ce versant dérangeant de l'Humanité.
Cette oeuvre a reçu le prix Interallié en 2011…

Michelangelo 18/02/2021

Lien : http://jaimelireetecrire.ove..
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