AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de maevedefrance



Je vous embarque aujourd'hui au Wyoming là où se passe Là où les rivières se séparent de Mark Spragg, auteur que je n'avais encore jamais lu. Comme pour Rites d'automne de Dan O'Brien, il ne s'agit pas là d'une fiction mais plutôt d'un récit de souvenirs.



Les parents de l'auteur ont racheté un hôtel-ranch quasi mythique dans les années soixante, à savoir le plus vieux ranch-hôtel, le Holm Lodge, que certains visiteurs appelaient le Crossed Sabers Ranch (à cause des bêtes marqués de sabres croisés. Les activités commerciales du ranch datent de 1898. Les parents de Mark les font perdurer, par l'élevage bien sûr, mais aussi en emmenant les touristes faire des excursions à cheval dans le somptueux environnement, là où" le haut plateau de Yellowstone, à cheval sur la ligne de partage des eaux, et ses rivières (...) retombent vers l'est et vers l'ouest."



Cet univers est le Paradis des chevaux, dressés au ranch dès la naissance. Ici l'homme ne va pas sans ce fidèle compagnon. "Mon amour pour eux m'inquiétait. Je tournais les yeux vers les corrals et je regardais comme ils se tenaient, la tête basse, dans l'air immobile et accablé de soleil. J'imaginais les corrals vides. Je me demandais à quoi ressemblerait ma vie sans chevaux (...)". "L'après-midi je m'occupais des poulains; je les amadouais par la répétition des mêmes gestes. Je leur mettais un licou. Je promenais mes mains sur leur cou, sous leur ventre. Je leur pinçais le flanc. Je leur soulevais la queue. Leur vérifiais les dents. Leur parlais. Je leur frappais la croupe, le garrot,le dos et les jambes avec un sac de jute vide. Ils renâclaient, reniflaient, se retournaient et comprenaient qu'on ne leur avait fait aucun mal. Je les bridais. Les menais. Les scellais. Je leur rappelais qu'on nous avait mis ensemble pour travailler."



Au ranch on accueil des touristes en mal d'exotisme façon Far West, on les emmène en excursion en montagne, on se sert aussi des chevaux pour la chasse au cerf, pour les rodéos un peu. le dieu Cheval est une "institution", un animal sacré qui aide les hommes à vivre dans un décor paradisiaque mais rude ! Mark Spragg parle de ses compagnons (les chevaux !) avec énormément de tendresse et de nostalgie. Il nous raconte leurs facéties aussi, parfois. C'est un livre qui plaira à tous les amoureux des chevaux, vous l'aurez compris.



Vous survivrez au Wyoming si vous pouvez affronter la rudesse du climat. Autrement, passez votre chemin ! Dans la Wapity Valley où a grandi l'auteur, "les jours d'été étaient caniculaires. "L'après-midi, le ciel se chargeait de cumulus surgis des Absarokas, et nous restions debout dans les granges ou assis dans les pick-up en attendant la fin des brusques tempêtes de pluie et de grêle. Les nuits étaient fraîches. le matin, il y avait rarement assez d'humidité dans l'air pour qu'on ait de la rosée. le soleil nous donnait de longues journées de travail. Les éleveurs s'activaient pour récolter leur luzerne, pour engraisser les boeufs et pour s'occuper de leurs vaches prêtes à mettre bas. Ils passaient leurs hivers à nourrir leurs bêtes, à faire des réparations, debout les nuits de janvier et de février par -20°C (...)" C'est aussi toute la rudesse de la vie des gens de cette région que restitue formidablement bien Mark Spragg. Même aller à l'école était une gageure. "Il y avait un rempart planté de sauge au nord de la cour de récréation, qui partait en pente sur plusieurs centaines de mètres vers l'embranchement de la Shoshone River. de l'autre côté de la rivière, le sol remontait en une série de collines bossues et de blocs de rochers monolithiques (...). Les collines se terminaient au pied de la Jim Mountain. (....)"



Bien évidemment, pas de cantine à l'école. Je me suis régalée du festival de sandwichs plus ou moins étranges pour nous, décrits par l'auteur qui voit dans les casse-croûte de chacun "le baromètre précis de l'origine familiale des enfants". "Nos mères étaient pour la plupart attentionnées. La plupart d'entre-elles considéraient que la mortadelle était l'un des ingrédients d'un repas équilibré, mais elles voyaient aussi dans la mortadelle un luxe. (...) J'ai vu des sandwichs à la patate douce. Un jour, au début de l'automne, un sandwich courgette-mayonnaise. Beaucoup de sandwichs au wapiti, au cerf, au mouflon et à l'élan. J'ai vu deux fois un sandwich au navet." : il faut croire que ça l'a marqué !! :) On croise aussi du sandwich à l'oeuf au plat qui m'a beaucoup amusé !



Et puis il y a le vent."J'habite un pays brut, violent. le Wyoming n'est pas une région qui se prête à la nudité ou à la douceur. Il y a ici quelque chose de tranchant, et l'on vit justement sur ce tranchant. La plupart des oiseaux migrent. L'hibernation est considérée comme une nécessité, et non comme une forme de mollesse. Les vieux, les incapables, les imprévoyants périssent. Et puis il y a le vent.Le vent souffle presque tous les jours, sans la moindre chorégraphie, avec toutes l'inélégance d'une bagarre spontanée. Il y a des endroits où il se déchaîne si continuement que les arbres qui entourent une maison ou qui bordent un fossé d'irrigation penchent tous vers l'est, poussent perpétuellement vers l'est, comme s'ils n'étaient que des colonnes de limaille soumises, inclinées vers un pôle inconstant." "A force de souffler sur les squelettes de bisons, les vents les ont rendu roses, puis blancs, avant de les faire tomber en poussière. Les forêts carbonifères ont surgi, puis sont retombées et ont pourri sous les vents, couche après couche, finalement écrasées pour devenir du charbon." Alors, imaginez bien que les quelques quarte ou cinq jours sans vent sont jours de fête ! "On parle trop fort, on a l'habitude de crier pour surmonter les hurlements de l'air". Un jour sans vent, on lave sa voiture ! "Je suppose que bien 10% de la population du Wyoming venue habiter ici est restée uniquement parce que le voyage de retour semblait trop risqué."



Mark Spragg décrit avec beaucoup d'amour, d'humour (noir), mais aussi de poésie l'univers où il a grandi ! Ce fut une vraie évasion. C'est aussi un livre instructif pour nous, Européens qui avons tant d'images d'Epinal sur l'Ouest américain. le livre n'est pas construit chronologiquement. On voit également qu'il n'a pas été écrit d'une seule traite mais qu'il s'agit d'écrits de plusieurs époques, c'est en tout cas l'impression que cela donne à cause d'un certain nombre de redites. Il y a aussi quelques longueurs parfois. Mais néanmoins je n'ai pas boudé mon plaisir dans cette expédition littéraire au Wyoming ! Je vous en conseille l'expérience. le livre date de 1999, j'aurais déjà dû faire cette expérience depuis longtemps ! En matière de Nature Writing, on est servi !

Lien : http://milleetunelecturesdem..
Commenter  J’apprécie          30



Ont apprécié cette critique (3)voir plus




{* *}