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Critique de caro64


Dernière nuit à Montréal est le premier roman de l'auteure canadienne Emily St. John Mandel. Et quel roman ! Un roman noir vraiment atypique qui réussit la gageure de vous tenir en haleine de bout en bout tout en vous bouleversant.

Pourquoi Lilia s'est-t-elle brusquement volatilisée ce matin d'octobre de l'appartement new-yorkais qu'elle partage avec son petit ami Eli ?
 Assommé par cette absence inexplicable et aiguillonné par son amour pour la belle jeune fille, Eli va se lancer sur ses traces sans se douter que cette disparition fait écho au secret de Lilia enlevée à l'âge de 7 ans par son père et que sa recherche croise à quelques années de distance celle du détective privé Graydon, engagé par la mère de la fillette afin de retrouver les fugitifs. le roman va adopter alternativement dans chaque chapitre ce double point de vue : ces récits de fuite et de poursuite se répondent pour se rejoindre finalement au gré d'un "road-story" entre les États-Unis et le Canada. Mais plus Eli et le privé semblent se rapprocher de la résolution de l'énigme, plus le mystère s'épaissit autour de l'insaisissable Lilia qui écrit intentionnellement des messages laissés dans les bibles des motels où elle échoue provisoirement avec son père, comme autant de bouteilles jetées, d'indices semés et adressés à Graydon troublé par leur étonnant contenu : "Arrêtez de me chercher. Je n'ai pas disparu ; je ne veux pas qu'on me retrouve. Je désire rester volatilisée. Je ne veux pas rentrer à la maison." D'autres personnages s'avèrent emportés malgré eux dans cette quête obsessionnelle qui va gagner le lecteur, suspendu comme Eli aux lèvres de la fille du détective, la fragile Michaela qui va incarner une sorte de Schéhérazade, retardant toutes les nuits le dévoilement d'un mystère dont elle seule est la gardienne.

On va donc suivre avec le plus vif intérêt ces quatre personnages troublants. La singulière héroïne, qui traverse la vie en surface, envoûte les hommes et les femmes qui croisent sa route chaotique. Hélas, comme une malédiction, ceux qui approchent trop près de son mystère finissent par s'y blesser. Ce roman offre une belle réflexion sur la manière dont la langue nous permet de percevoir le monde et sur l'importance des souvenirs et la faculté de la mémoire d'occulter certains évènements pour permettre à l'homme de grandir. L'intrigue du récit se porte alors, non pas sur les raisons qui ont porté le père de Lilia à enlever sa fille, on le pressentira dès les premières pages, mais sur la découverte par la jeune fille d'une vérité à laquelle il n'est pas toujours facile de faire face ! le tout repose sur une belle écriture. Emily St. John Mandel adopte un style sensible et poétique, inédit dans l'univers âpre du polar. Impeccablement bien construit, ce surprenant et fascinant roman distille une atmosphère de mélancolie et de déréliction qui vous gardera longtemps sous son emprise. Une excellente surprise, et bien évidemment un auteur prometteur à suivre !
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