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Critique de motspourmots


Il y a différents coups de coeur. Ceux qui vous sautent au visage très vite en cours de lecture et puis ceux qui s'imposent un peu plus tard, colonisent votre cerveau et dévoilent toute la profondeur de leur propos bien après que vous ayez refermé le livre. L'hôtel de verre est de ceux-là. Enfin, c'est plus compliqué, parce que la lecture en elle-même est captivante, troublante, tellement plaisante que l'esprit repousse au maximum l'idée d'une fin. Mais le plaisir ne s'arrête pas là. L'atmosphère vous enveloppe et ne vous lâche plus, vous y repensez, des éléments vous apparaissent après coup, la subtilité de la construction, la richesse de la trame planquée sous une apparente simplicité. Vous vous dites que décidément, Emily St. John Mandel est très très douée.

C'est à une exploration de nos réalités alternatives que nous invite l'auteure à travers cette histoire de pertes et de fracas. Les individus qui se croisent un soir à l'hôtel Caiette, havre de paix et de luxe isolé sur l'île de Vancouver sont loin de se douter de ce que leur réserve l'avenir. Quoi que. L'un d'entre eux le sait, il est milliardaire, se nomme Jonathan Alkaitis et possède une activité florissante de gestion d'actifs à Manhattan. Il sait que cela finira mal pour lui, ce qu'il ignore c'est à quelle échéance. Celles et ceux qui gravitent autour de lui ont beaucoup à perdre mais ne le savent pas. Ou ne veulent pas le savoir. Ou le savent mais en même temps ne le savent pas. Car on peut se mentir à soi-même de la même façon que l'on ment aux autres. Entrevoir des vies alternatives mais ne pas saisir l'occasion de les vivre. C'est ce que capte l'auteure, ce qu'elle nous renvoie à travers les parois faussement transparentes des immeubles de la City ou des hôtels de luxe. Ses personnages sont pétris d'illusions au royaume de l'argent qui fait tourner le monde. Lorsque tout s'effondre comme un château de cartes, que leur reste-t-il ? Une sorte de paix à en croire Alkaitis du fond de la cellule où il purge sa condamnation à cent-soixante-dix ans de prison : "Il y a une exquise insouciance à se réveiller chaque matin en sachant que le pire est déjà arrivé".

Emily St. John Mandel a un style et un univers bien à elle, dans lequel le lecteur progresse avec une fascination empreinte de douceur malgré l'absurdité et la violence du monde qui lui sont données à voir. Ses personnages sont à la fois ancrés et insaisissables, hantés par des fantômes qui les poussent à fuir ou à se cacher derrière des apparences de normalité. Chez elle, l'arme du crime est un tag énigmatique sur une vitre "Et si vous avaliez du verre brisé ?", l'art n'est jamais loin comme pour tenter de sauver ce qui peut l'être, par la grâce d'un poème ou la magie d'un tableau. Et sa virtuosité se révèle dans toute sa splendeur avec ce récit fragmenté, sorte de puzzle d'éclats de verre aussi tranchants que réfléchissants. C'est du très grand art.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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